Polar, A la Conan Doyle

Un délicat hommage.

Mark FrostMark Frost, le créateur de Twin Peaks, Américain de surcroît, s’est lancé, pour son premier roman « La liste des sept », à la poursuite de Conan Doyle. Le procédé littéraire est connu. Se servir de la matière des romans et nouvelles pour faire vivre à l’auteur les aventures imaginaires de son héros.
En 1884, Doyle est un jeune médecin sans véritablement de clientèle. Il écrit un roman qui fait la part belle à l’occultisme, en dénonçant les faux médiums, avec ce qu’il faut d’appels au diable sous toutes ses formes et à un complot pour se saisir du pouvoir dans cette Grande-Bretagne de la Reine Victoria dont le règne s’éternise. Son manuscrit est refusé. On sait qu’il obtiendra la consécration avec les enquêtes de Holmes. Qu’il fera mourir puis ressuscité sous la pression du public et même de sa mère. Holmes avait « mangé » Doyle.
Mark Frost a décidé de lui redonner vie. En lui faisant vivre la vie du Dr Watson. Il fallait donc trouver un personnage acceptant de prendre à son compte la biographie de Sherlock. Ce sera Jack Sparks. La figure classique de Moriarty sera celle du frère de Jack, Alexandre. Tous les lecteurs fidèles de Conan Doyle ont reconnu les figures du Bien et du Mal, faces d’une même médaille, issues du même moule.
Pour Frost, tout part du livre – il faudrait, peut-être, mettre une majuscule pour faire penser au « Good Book », la Bible -, de ce manuscrit envoyé par Doyle à tous les éditeurs. La fiction rejoint la réalité. Une thèse qui se défend. Les romanciers ont quelque fois la prescience de l’avenir. Il fait la preuve qu’il connaît l’univers du père de Holmes et de ce curieux Dr Watson, un univers qu’il a visité de fond en comble. Il n’a pas fréquenté que les avenues mais aussi les ruelles, les impasses pour rendre compte à la fois de cette Grande-Bretagne bousculée par le colonialisme, les progrès technologiques et la révolution industrielle. Continuer la lecture

Polar de Florence.

L’enquêteur humaniste.

Mario Vichi Commissaire BodelliMarco Vichi a construit sa figure de détective privé dans le contexte de la ville de Florence qu’il met en scène en même temps que son commissaire, Bordelli. Un célibataire de 53 ans qui attend la femme de sa vie. En 1963, les souvenirs de la guerre ne sont pas encore effacés. Ils structurent le présent. Une guerre qui a partagé l’Italie entre les partisans de Mussolini, les Résistants et tous les autres. L’auteur s’est servi des histoires que lui racontait son père pour les offrir à son commissaire. Le nom n’est sans doute pas choisi au hasard. Il faut dire que cet homme n’enferme pas les petits délinquants, ni les auteurs de petits délits. Il a une conscience sociale développée sans être, apparemment du moins, membre du P.C.I., parti communiste italien, bien qu’il puisse emprunter la via Gramsci. Continuer la lecture

Pour le prochain séminaire jazz du 23 mars 2016

Prochain arrêt, Baltimore, Maryland.

250px-BaltimoreC12Baltimore est une des grandes villes américaines. Elle a connu un essor important dans la deuxième moitié du 19e siècle grâce au chemin de fer que la municipalité a financé. Elle s’est trouvée en concurrence avec Philadelphie. Une lutte sauvage s’engagea entre les deux villes pour la suprématie commerciale. « Dans les années 1850 , le chemin de fer avait largement supplanté les canaux pour le transport de marchandises » P.66 de l' »Atlas historique de l’Amérique du Nord », Eric Homberger, Autrement, Paris, 1996. Le charbon des mines d’anthracite de Pennsylvanie étaient désormais acheminé en train. Baltimore situé sur la baie de Chesapeake connaîtra un essor visible. La dite Baie est passée dans l’histoire grâce à l’accident – voulu ? Les preuves manquent – de Ted Kennedy qui a vu la mort de sa secrétaire…
Le maryland fut aussi un Etat dans lequel l’esclavage se développa contre les travailleurs européens salariés. Le débats se poursuit pour savoir si, sur le terrain économique, c’était vraiment une économie. Cette querelle provient de l’école de l’histoire quantitative qui oublie trop souvent les questions de pouvoir et de domination.
Une ville qui a connu des émeutes après l’assassinat de Martin Luther King. La population noire atteint quelques 46% de la population totale de la ville.
C’est la ville de naissance de Eléonora Fagan – connue plus tard sous le nom de Billie Holiday, elle s’est inventée -, De Blanche et de Cab Calloway, de Chick Webb, batteur immense, de Ellery Eskelin entre autres pour le jazz mais aussi de Edgar Allan Poe, de Dashiell Hammett et de Ta-Nehisi Coates qui sera l’un de 100px-Flag_of_Baltimore,_Maryland.svgnos guides.
Son brûlot, « Une colère noire » – éditions Autrement -, est un essai de description de cette société américaine profondément marqué par le racisme et qui ne sait pas éviter la violence ouverte comme la politique ne permettait une résolution des conflits…
Une ville qui a fait aussi la une de l’actualité avec les assassinats racistes…
Nicolas Béniès.

Jazz, Paris, 1958 et 1960. De la peur à la peur et la joie du jazz.

JATP à Paris, Olympia et Pleyel.

JATP à ParisLe Jazz At The Philharmonic est l’idée personnelle de Norman Granz. Avant d’être producteur de disques de jazz et créateur de labels indépendants – NorGran, Clef, Verve et Pablo -, il avait voulu ouvrir les Philharmonic au jazz. Mis à part les concerts au Carnegie Hall, dés 1937 avec Benny Goodman, et surtout les « From Spiritual To Swing » de décembre 1938 et 1939 organisés par John Hammond, critique de jazz mais aussi membre d’une des grandes familles américaines, les Philharmoniques étaient fermées au jazz, considéré comme une musique de bordel.
Le 2 juillet 1944, Norman organise son premier concert avec la volonté de faire cohabiter, sur scène des styles, des musiciens différents pour faire surgir… on ne sait quoi. La lumière ? La nouveauté ? Le miracle ? S’il fallait choisir j’opte à coup sur pour cette dernière solution. Plus l’opposition était forte, mieux c’était…
En 1958 – le 30 avril – la formule était rodée. Le public parisien, clairsemé – la période est trouble, les coups d’État menacent, la IVe république est en train de mourir, la guerre d’Algérie menace la République – assiste à un concert qui réunit deux monstres sacrés, Coleman Hawkins, l’inventeur du saxophone ténor et Roy Eldridge dit « Little jazz », trompettiste capable de franchir toutes les limites pour gagner la première place – même s’il ne sait pas de quel concours il s’agit. Se rajoute Sonny Stitt, saxophoniste alto et ténor, plus original au ténor qu’à l’alto, en tournée en France et que Norman a recruté pour l’opposer à Coleman Hawkins, un peu plus de sel dans les confrontations qu’il aime, et une section rythmique conduite par le pianiste Lou Levy avec Herb Ellis à la guitare, Max Bennett à la contrebasse et Gus Johnson à la batterie. Continuer la lecture

Jazz, A propos d’une rétrospective Don Byas

Pour que vive Don Byas.

Don ByasCarlos Wesley – ses prénoms pour l’état civil – Byas est un musicien un peu ignoré de nos jours. Les temps sont durs pour le jazz et ses incarnations. A n’en pas douter Don Byas fut une de celle-là. Né à Muskogee dans l’Oklahoma, dans une famille musicienne qui unit un père d’ascendance espagnole et une mère Cherokee, pianiste occasionnelle il suivra des études classiques de violon et de clarinette. Les « cultural studies » très en vogue aux États-Unis à partir des années 1980 ont fait la part belle à la description de la vie culturelle de ces villes moyennes américaines. Elles permettent de comprendre les influences qui pèsent sur les apprentissages. Pas seulement musicales en l’occurrence mais aussi environnementales – dans le sens d’un contexte spécifique.
Particulièrement, en ce qui concerne le jazz, la place des « Territory Bands », ces orchestres confinés dans le périmètre d’un territoire, d’un Etat. Souvent, ils n’ont eu aucune reconnaissance nationale à l’échelle des États-Unis faute d’un imprésario qui pouvait les faire monter à New York. L’aventure du Count Basie Orchestra, « découvert » par John Hammond en écoutant une radio de Kansas City n’est pas transposable. Il est même vraisemblable que cet orchestre a empêché d’autres d’être reconnus. Ce n’est pas la faute du Count et de ses hommes ni des chefs d’orchestre mais d’un « effet de système » qui exclut. Continuer la lecture

Le futurisme mode d’emploi

Art Total et d’Avant-Garde : le futurisme

Qu'est ce que le futurisme ?Les débuts du 20e siècle pour le calendrier représentent plus justement les derniers feux d’un 19e siècle qui finira en 1914 avec l’ouverture de la Première Guerre mondiale. Ce sont des années de transition d’un monde qui cherche de nouveaux repères, de nouvelles balises. L’art, dans toutes ses dimensions exprimera un des possibles mondes à venir.
Le « Futurisme » naîtra en Italie, à Milan, dans cette Italie du Nord plus prospère, plus industrielle, plus « moderne » que celle du Sud, par l’intermédiaire de l’écrivain Marinetti qui en publiera le premier manifeste sous forme de tract. Les orientations sont claires. Inscrire le développement humain dans la confrontation avec la machine pour faire surgir une nouvelle définition de l’Art en prise avec la modernité. La respiration de l’Histoire semble s’accélérer pendant cette période. La vitesse donne une nouvelle dimension au temps. La barbarie est inscrite dans cette ère du machinisme. Les ouvrages de science-fiction en témoignent.
Les futuristes proposent de transformer tous les aspects de la vie et pas seulement de la culture. Nouvelle cuisine, nouvelle architecture tout autant que la musique, le cinéma et le reste. Rien de ce qui est humain de leur est étranger. Continuer la lecture

Polar historique (2)


Réflexions modernes sur la recherche médicale.

l_homme_au_masque_de_verreViviane Moore poursuit les enquêtes de son nouveau détective – ici Jean du Moncel, commissaire au Châtelet – commencé avec « La femme sans tête ». « L’homme au masque de verre » nous fait pénétrer dans le Paris de cette année 1584. La mort est omniprésente, les maladies, les épidémies – la peste en particulier – aussi. La médecine est dominée par le chirurgien Ambroise Paré qui a fait ses classes sur les champs de bataille. Dans même temps, par une volonté semblable, les alchimistes essaient de trouver la pierre qui sauve de toutes les maladies. Pour tester, il faut des cobayes. A-t-on le droit, éthiquement parlant, de faire ingurgiter à un malade même en phase terminale, un « médicament » qui peut le faire mourir immédiatement ? Continuer la lecture