Rendez-vous à Coutances

Le jazz au temps du Front Pop.

Le 3 mai 1936, deuxième tour des élections législatives. La Parti Socialiste est en tête. Un nouveau gouvernement est possible. Léon Blum, futur Président du Conseil, attend. Respectueux des institutions, il ne veut pas prendre la pouvoir mais l’occuper. Les grèves se déclenchent, joyeuses. La danse est omniprésente. On danse dans les usines devant les machines, devant les étals morts des grands magasins, dans les rues. Au son de l’accordéon à qui il arrive de prendre des accents nouveaux. Tony Murena, Gus Viseur entre autres, le feront sonner swing.
On chante. Tout va très bien madame la marquise, une manière de conjurer le sort. De vouloir être heureux.

C’est difficile. Le patronat n’aime pas les danses. Ni le jazz, musique de « Nègres » comme on dit à l’époque soit pour la valoriser, soit pour la dévaloriser. Les mots, comme les insultes ont une histoire, un contexte. Continuer la lecture

Jazz, Paris, 1958 et 1960. De la peur à la peur et la joie du jazz.

JATP à Paris, Olympia et Pleyel.

JATP à ParisLe Jazz At The Philharmonic est l’idée personnelle de Norman Granz. Avant d’être producteur de disques de jazz et créateur de labels indépendants – NorGran, Clef, Verve et Pablo -, il avait voulu ouvrir les Philharmonic au jazz. Mis à part les concerts au Carnegie Hall, dés 1937 avec Benny Goodman, et surtout les « From Spiritual To Swing » de décembre 1938 et 1939 organisés par John Hammond, critique de jazz mais aussi membre d’une des grandes familles américaines, les Philharmoniques étaient fermées au jazz, considéré comme une musique de bordel.
Le 2 juillet 1944, Norman organise son premier concert avec la volonté de faire cohabiter, sur scène des styles, des musiciens différents pour faire surgir… on ne sait quoi. La lumière ? La nouveauté ? Le miracle ? S’il fallait choisir j’opte à coup sur pour cette dernière solution. Plus l’opposition était forte, mieux c’était…
En 1958 – le 30 avril – la formule était rodée. Le public parisien, clairsemé – la période est trouble, les coups d’État menacent, la IVe république est en train de mourir, la guerre d’Algérie menace la République – assiste à un concert qui réunit deux monstres sacrés, Coleman Hawkins, l’inventeur du saxophone ténor et Roy Eldridge dit « Little jazz », trompettiste capable de franchir toutes les limites pour gagner la première place – même s’il ne sait pas de quel concours il s’agit. Se rajoute Sonny Stitt, saxophoniste alto et ténor, plus original au ténor qu’à l’alto, en tournée en France et que Norman a recruté pour l’opposer à Coleman Hawkins, un peu plus de sel dans les confrontations qu’il aime, et une section rythmique conduite par le pianiste Lou Levy avec Herb Ellis à la guitare, Max Bennett à la contrebasse et Gus Johnson à la batterie. Continuer la lecture