Du côté de chez Whirlwind (3)

« Road Tales », les contes de la route, des tournées pour surmonter la fatigue de ce « Live at London Jazz Festival ».
En novembre 2018, Londres se laissait bercer au son de son festival de jazz. Belle époque. Les participant.e.s se laissaient transporter par le quartet de Jeff Williams en tapant des pieds, en bousculant voisins/voisines et en s’embrassant… Une scène d’une rare sauvagerie mesurée à l’aune de la COVID19.
La musique de Jeff Williams, batteur et compositeur, se laisse résumer par le premier et le dernier titre de cet album, « Road Tales », « New and old » et « Double Life ». Le neuf et le vieux est d’abord visible en considérant les membres du quartet. John Arcoleo, saxophone ténor, et Sam Lasserson, contrebasse, font partie de la jeune génération tandis que le batteur lui-même et John O’Callagher, saxophone alto qui dit toute sa dette à Eric Dolphy – qu’il ne faudrait pas oublier – appartiennent à une autre. Les compositions emmêlent allégrement toutes les mémoires. Le jeu du batteur sait évoquer les grands batteurs du jazz tout en dépassant ces grands maîtres du temps. Double vie pour conter la route, les illusions et les désillusions en un album qui résiste à toutes les intempéries et aléas.
Nicolas Béniès
« Live at London Jazz Festival, Road Tales », Jeff Williams, Whirlwind Records.

Jazz. Un absent des dictionnaires très présent

Un batteur américain à Londres.

outlier jeff williamsJeff Williams, batteur découvert, quant à moi aux côtés de Dave Liebman, de Stan Getz et de Joe Lovano, est né dans l’Ohio. Il tombe dans l’amour, comme disent les Québécois, épouse la romancière britannique Lionel Shriver qui a remporté une multitude de prix littéraires. Jeff, de ce fait, enseigne la batterie à la Royal Academy Of Music de Londres tout en continuant de vivre, en partie, à New York. « De ce fait, écrit-il dans les notes de pochette d’où sont tirées toutes ces informations, je suis devenu Transatlantique », une sorte de pont au-dessus de l’Atlantique à lui seul. Une situation idéale pour enregistrer pour le label britannique Whirl Wind avec ses musiciens américains. Peu d’informations disponibles sur ce musicien à la discographie pourtant importante. Raison de plus pour le découvrir…
Qu’il faut découvrir : Josh Arcoleo au saxophone ténor qui a visiblement beaucoup écouté Joe Lovano, Phil Robson à la guitare plutôt dans la lignée de Pat Martino, Kit Downes, pianiste qui a entendu Keith Jarrett mais essaie de s’en sortir et Sam Lasserson contrebasse et basse électrique. Le tout forme un groupe sur les compositeurs du batteur. Elles n’échappent pas toujours à la déformation professionnelle d’un enseignant d’être un peu trop démonstratives. Elles baignent dans le modal post bop et n’arrivent pas toujours à décoller. Lorsque c’est le cas, sur « Hermeto » par exemple hommage à Hermeto Pascoal, on sent que ces musiciens ont de la ressource et gardent la mémoire de tous les jazz. Il faudrait qu’ils acceptent de déraper un peu plus…
Le titre de cet album, « Outlier », est la concrétisation de sa situation étrange entre deux mondes, deux pays dont la langue est le plus grand diviseur – comme disait George-Bernard Shaw. Un terme qui signifie dans le langage des statisticiens, une observation aberrante mais aussi un cas unique. Deux sens qui collent parfaitement à Jeff Williams.
A découvrir.
Nicolas Béniès
« Outlier », Jeff Williams, Whirl Wind Records. www.whirlwindrecordings.com