Wes Montgomery, Maréchal de la guitare.
Le jeu de Wes Montgomery est reconnaissable à la première écoute. Une sorte de nappe sonore, douce et acérée enveloppe l’écoute. Pour la qualifier, cette sonorité, pour la réduire, pour mettre à distance la nouveauté, la modernité, on dit « pouce » et « octave ». Il fallait bien le mettre dans une case. Dans laquelle il ne rentre pas. Ce guitariste, apparemment tranquille, qui tient la drogue à distance, est un révolutionnaire de la pire espèce de celle qui prétend ne rien révolutionner justement. Jouer avec le pouce au lieu du médiator n’est pas une nouveauté, d’autres l’avaient fait avant lui, Teddy Bunn en particulier et les accords à l’octave se retrouvent dans les improvisations de Django Reinhardt ou de Al Casey. Pourquoi et comment Wes est-il parvenu à ce style unique ? Pour y répondre, empruntons à Breton et aux surréalistes leur notion – utilisée aussi par Hegel et Engels – de « hasard objectif » qui évoque des faits venus de séries causales apparemment indépendantes font soudain sens. Pour Wes, c’est d’abord la plainte de voisins se plaignant du « bruit » de la guitare pratiquée au médiator, il passe donc au jeu avec le pouce, ensuite l’écoute, enfin la nécessité pour reproduire les sons qu’il entend d’un doigté adapté. Le tout permet à Wes de devenir Wes. Sans oublier l’influence première de Charley Christian – l’inventeur de la guitare électrique moderne – qui fut de passage dans cette ville d’Indianapolis et provoqua chez le jeune homme de 20 ans le passage d’une guitare « sèche » à une guitare électrique avec un ampli. Un investissement qui le mit quasiment sur la paille… Il avait aussi entendu Django, comme tous les guitaristes de ces années de guerre et d’après guerre qui exerça sur eux une sorte de magistère au même titre que Christian. Continuer la lecture