Le coin du polar

Vagabondages

Martyn Waites a été, comme beaucoup de ses contemporains, durement marqué par la défaite des mineurs en 1984. Thatcher, Premier ministre en 1979, a conduit la lutte des classes avec tous les moyens à sa disposition, policiers et idéologiques. Elle a mis en œuvre une véritable stratégie de combat que le syndicat des mineurs conduit par Scargill a mis du temps à comprendre. Il faut dire que le dirigeant du syndicat avait demandé en vain la décision d’une grève générale. Comme souvent, elle est tardive mais elle durera tout de même un an. L’âpreté du combat de classe est rendue à travers le parcours de personnages façonné par le conflit lui-même dont un journaliste qui enquête aussi sur son passé. « Né sous les coups » fait l’aller retour entre « avant » et « maintenant » pour dessiner le paysage issu de cette défaite. Un grand roman social.
Difficile, semblait-il, de faire mieux ou différemment. Waites réussit ce tour de force avec « La chambre blanche », l’antichambre de la mort. Même lieu, Newcastle et cette Angleterre – au sens strict – un peu mystérieuse, brumeuse secouée d’éclats de violence et de rire, d’explosions de fraternité et de corruption. Remontons le temps. 1946 pour suivre un leader travailliste qui donne l’impression de vouloir changer la vie en détruisant les taudis et en construisant de grandes cités. L’exclusion, la surexploitation des salariés, le gangstérisme, la corruption. Une fresque sociale de cette ville, des personnages qui incarnent ces concepts pour une intrigue qui même ingrédients du polar, du social pour une grande littérature. La révolte, la colère suinte quasiment à chaque page. Continuer la lecture

Elmore Leonard, auteur américain.

Comment écrire sur un écrivain ?

elmore-leonard-un-maitre-a-ecrire-par-laurent-chalumeau_5307479Elmore Leonard (1925 – 2013) est l’un des grands auteurs de ces romans « noirs » ou « polars » qui marquent le 20e siècle de leurs pointes acérées. Il a trouvé son style, – et ce ne fut pas en un un jour – et il est devenu Elmore Leonard, « Dutch » pour tout le monde. Il a fallu qu’il comprenne l’art de l’épuration, de la simplicité pour accéder au rang de « maître à écrire ». Il fait avancer l’histoire par des dialogues qui dressent la silhouette des personnages. Il donne l’impression du langage parlé, particulièrement celui de sa ville d’origine, Detroit, soumise aux restructurations dues à la crise de l’automobile. Dés la récession de 1980-82, elle se délite par les fermetures d’entreprises, le chômage massif, l’appauvrissement de ces citadins. Dans le même temps, des quartiers entiers sont laissés pour compte où la nature « reprend ses droits ». Pour résister la ville s’endette…pour arriver à la faillite d’aujourd’hui et une volonté de re construction en détruisant les anciens quartiers. Dommage que « Dutch » nous ait quitté, il aurait trouvé là, avec son compère essentiel Gregg Sutter, qualifié de documentaliste, de quoi nourrir ses intrigues. Continuer la lecture

Polar(e)

Une nouvelle venue dans nos mondes « noirs » : Emily St. John Mandel

Emily St John Mandel est née au Canada. Pas besoin d’en savoir plus. Est-ce pour cette raison qu’elle donne l’impression de n’être à sa place nulle part ? Peut-être. De New York, son pays semble être simplement une dépendance. La Ville monde sait comme aucune autre engloutir tous les autres territoires qui ne peuvent se comparer à cette pieuvre intelligente – on dit que ces animaux ont plusieurs cerveaux – enserrant toutes les ambitions, toutes les illusions.
Le premier roman que publie cette auteure, « On ne joue pas avec la mort » titre français aussi énigmatique que l’original « The Singer’s gun », est un puzzle qui joue avec toutes identités. Une angoisse moderne que celle de la perte de son nom, de son libre arbitre. Les faussaires sont devenus des voleurs de vie. La justice a du mal à reconnaître ce « crime » aux allures étranges. Elle continue de faire confiance aux anciennes preuves… Continuer la lecture