Le coin du polar

Manières de voir le monde

Si on remonte les siècles, James Ellroy, drogué, alcoolique, suicidaire, nazi, inventait un nouvel art du polar. Une écriture hallucinée faite de flashs, de dialogues coupés, de sous-entendus qui construisait un monde à part. Sa vie personnelle était un fiasco total. Son bonheur d’écriture, un don offert aux lecteurs avides de sensations nouvelles. « Le Dahlia noir » (1962 pour l’édition américaine), première partie du « Quatuor de Los Angeles », reste un chef d’œuvre total qu’il faut avoir lu. Les Trois tomes suivants aussi parce qu’ils racontent le Los Angeles de l’après seconde guerre mondiale avec ce qu’il faut de scandales et de chantages visant Hollywood et les musiciens de jazz. Avec « Perfidia », il s’est lancé dans un nouveau quatuor de Los Angeles, passant en revue les événements, plus ou moins réels, de ce mois de décembre 1941 qui a vu Pearl Harbour et l’entrée en guerre des États-Unis. Les personnages du premier Quatuor se retrouvent dont Dudley Smith. Ellroy souscrit à la mode des Stars Wars en revenant aux origines. Il n’y croit plus. Il est entré dans le système de la marchandise. Il construit un roman, qui a des qualités, mais ne rompt en rien avec la production habituelle des polars sur le marché. Il est possible d’y prendre plaisir. Ellroy donne toutes les clés des personnages qui perdent tout leur mystère et tout intérêt. Continuer la lecture

Le coin du polar, de tous les côtés…

Du côté du polar allemand….
Friedrich Ani, né en 1959, manie avec assurance une plume acérée, souvent poétique pour mettre en scène une société, une ville « M » – titre de ce polar – comme Münich secouée par un passé qu’elle n’arrive pas à dépasser. Tabor Süden est un enquêteur curieux, dans tous les sens du terme. Ancien flic, il n’arrive pas à vivre dans cette époque troublée. Quelle époque ? Celle de ces groupes, de ces gangs nostalgiques de la période nazie ? Ou celle du grand espoir de changement social qui a tendance à se fondre dans un horizon gris et sale ? Ou encore celle des grands poètes allemands qui savent dire l’indicible ? L’univers de ce détective n’est pas stable. Il est comme le monde actuel fait de plaques tectoniques. Qui est qui ? Pourquoi tant de masques ? La seule façon de les faire voler en éclats, c’est l’amour. Un amour impossible et désespéré qui oblige à fuir ou à mourir. La violence est omniprésente. Une fois encore les femmes sont les grandes victimes, quelque fois consentantes. La figure de Mia Bischoff, celle par qui l’enquête arrive, reste une énigme. Le lecteur ne sort pas intact de cette « enquête de Tabor Süden », le sud – pour faire un jeu de mots récurrents dans ce roman – n’est pas là où l’on croit. Il faut découvrir cet auteur très connu en Allemagne. Continuer la lecture