Sous « Le Capital », un monde s’agite
Le livre I du Capital et particulièrement la Section I suscitent souvent d’étranges réactions allant jusqu’à proposer de la lire quasi à la fin (cf. la préface de Althusser à la réédition en poche chez Flammarion) ou de ne pas la lire du tout en fonction de sa difficulté. La réputation d’illisibilité sert de prétexte pour éviter de se confronter à Marx. C’est une erreur pour plusieurs raisons. La première tient à la nécessité – ne serait-ce que pour le critiquer – de connaître les concepts, les « abstractions réelles » dit-il – et la méthode d’analyse du capitalisme. Et, dans le même temps, de fréquenter l’un des grands penseurs de notre monde moderne.
Comme si ce n’était pas suffisant, Serge Ressiguier propose dans « Marx en liberté » une autre entrée bien résumée dans son sous-titre « Humour et imaginaire dans Le Capital (Livre I, section 1 à 3) » en éclaircissant toutes les références soit des auteurs classiques – Virgile, Suétone par exemple – soit de la Bible, en insistant sur les figures de style. Il nous fait visiter les mythologies et les contes que citent Marx, met en évidence les associations, comparaisons, métaphores, personnifications et prosopopées pour indiquer ce qu’elles induisent quant à la compréhension de la pensée de Marx. Last but not least, il souligne les références des citations explicites ou implicites présentes dans le texte.
Le plaisir est double. D’une part les concepts s’animent d’une vie propre. La marchandise, ce condensé de Capital, prend différents aspects, s’incarne dans des images pour passer d’une chose à un rapport social. D’autre part, c’est quasiment un cours de culture générale. Marx n’est pas pour rien un grand penseur. Dans la traduction de Roy qu’il a corrigée, il réécrit en partie pour le lecteur français.
Une introduction qui s’adresse au plus grand nombre pour oser lire, enfin, Marx. On peut regretter que l’auteur, dans une volonté compréhensible de mettre Marx au présent, se livre à quelques raccourcis.
Nicolas Béniès
« Marx en liberté », Serge Ressiguier, Le temps des cerises, 20 euros.
Le Livre I du Capital a bénéficié en 2016 d’une nouvelle traduction de Jean-Pierre Lefebvre aux Éditions sociales, Folio, en deux volumes, a publié les trois livres du Capital reprenant l’édition de La Pléiade.