Jazz. Respirations d’un moment irrespirable

Pressé de prendre l’air

La pandémie a, parfois, des effets positifs. Simon Moullier, vibraphoniste virtuose et ses deux compagnons de joie, Luca Alemanno, bassiste, Jongkuk Kim, batteur ont voulu, après leur premier album « Spirit Song » – avec des invités prestigieux comme Dayna Stephens -, rendre vivantes leurs influences. Acoustiquement votre, le trio a d’abord interrogé Coltrane, celui de « Giant Steps » qui sonnait la fin de la progression en accords, avec « Countdown », sorte de compte à rebours vers l’abîme ou le paradis. Ce thème de Coltrane qui ouvre l’album lui donnera son titre. Parmi les compositeurs réunis par le trio, se trouvent Monk en bonne position, Charles Mingus et Lester Young – « Good Bye Pork Pie Hat » est une évocation du saxophoniste -, Tadd Dameron, Bill Evans. Les thèmes sont revisités tout en dessinant une sorte de carte d’influences qui permet de suivre les différentes directions du trio.
Un voyage dans les mémoires du jazz pour envisager un futur possible. Un voyage quelque fois éprouvant mais la légèreté aérienne des arrangements du trio brûlent les étapes d’un feu qui laissent espérer des braises réjouissantes d’un avenir post Covid.
Nicolas Béniès
« Countdown », Simon Moullier trio, Fresh Sound New Talent

Recherche sa voi(e)x
Michael Mayo est un vocaliste déjà accompli malgré son jeune âge. Pour son premier album, « Bones », il a voulu faire la démonstration de tous ses talents composant la plupart des thèmes. Le résultat est un peu plat. Il donne l’impression de chercher sa place, pas forcément dans les mondes du jazz qui jouent beaucoup sur les mémoires. Il compte apparemment trop sur l’électronique qui a tendance à gommer les aspérités, les colères, les coups de gueule.
Un album qui laisse pourtant appréhender un des grands vocalistes du monde d’après, un monde à construire. A découvrir.
N.B.
« Bones », Michael Mayo, Mack Avenue distribué par Pias

Une réussite étrange venue de nos fantômes

Thierry Eliez signe un album apparemment de chansons et profondément de jazz. « Sur l’écran noir » est un assemblage de textes et musiques signés Claude Nougaro et Michel Legrand deux personnages qui hantent les jours noirs de nos nuits blanches. Ses arrangements sont à la fois respectueux et libres pour redonner une vie arc-en-ciel à des thèmes des débuts de Nougaro. Il a fait appel à des vocalistes, comme Alain Chamfort qui s’approprie ce monde ou Stella Vander qui sait sauter une révérence pour filer d’autres rêves.
Réussite surprenante, le piano sait donner corps à la voix, aux voix sans prendre le pas sur elles. Les déséquilibres constants provoquent un mouvement fait d’émois, de souvenirs et de découvertes.
N.B.
« Sur l’écran noir », Thierry Eliez, Label Triton/L’autre distribution