polar. Afrique du Sud et Australie

Les racines de l’Afrique du Sud

Deon Meyer officiellement auteur de polar est, en fait, le chroniqueur politique, social et culturel de ce pays étrange qui a vu un ancien détenu devenir président, Nelson Mandela. « La proie », avant dernier opus, racontait sans vraiment de filtres, la présidence de Jacob Zuma, un brûlot politique qu’il faut lire pour comprendre la situation actuelle. Bien avant Trump, Zuma savait réécrire la réalité à sa convenance.

Le dernier traduit en français, « La femme en manteau bleu », pourrait être qualifié de « moins ambitieux » si on oubliait de prêter attention aux résonances profondes de l’histoire, histoire d’un tableau d’un peintre oublié. L’intrigue mélange allégrement business, les tableaux des peintres flamands, à la suite de Rembrandt, sont très côtés sur le marché et attisent les convoitises et esthétisme, le choc de l’œuvre d’art. S’affrontent, à propos de l’œuvre de Fabritius, pseudo d’un élève de Rembrandt, datée de 1631, le nationalisme, les racines des afrikaaners et l’émotion provoquée par le bleu du manteau, un bleu qui fait perdre la notion du temps, la notion même de la réalité pour faire surgir un lac de sensations. Fabritius fut, semble-t-il l’amant de la compagne de Rembrandt lequel lui avait envoyé des tueurs à gages pour l’assassiner. Une histoire dans l’histoire. Deon Meyer laisse flotter l’ambiguïté lorsqu’il évoque cette hypothèse. L’imagination du lecteur fait le reste et oblige à aller à la pêche aux informations.
Le tableau, apprennent les deux enquêteurs vedettes Benny Griessel et Vaughn Cupido, réside au Cap et le retrouver permettra aux deux amis d’avoir le choc esthétique de leur vie. Un des résultats ironiques de l’affaire, c’est la notoriété de Benny qui lui permet d’avoir un prêt de sa banque pour offrir un anneau de mariage à sa chère et tendre.
Il reste une énigme restée sans explication. Au début, le « fourgue » et prêteur à des taux usuraires, connaissance de Benny, reçoit un nombre considérable de tableaux qui représentent des personnages habillés en bleu, des bleus différents comme la recherche d’une alchimie perdue dans la nuit du temps, comme l’appel de mémoires trop souvent bafouées.
Le petit nombre de pages est inversement proportionnel aux questions que charrient Deon Meyer. A vous de mener l’enquête.
Nicolas Béniès
« La femme au manteau bleu », Deon Meyer, traduit de l’Afrikaans par Georges Lory, Série noire/Gallimard

Passages à l’âge adulte.
Il serait possible de résumer le conte de Tim Winton à son titre : « La cavale de Jaxie Clackton », si l’on prend « cavale » comme une course vers un ailleurs non défini, vers la possibilité de quitter les habits désormais trop petits de l’adolescence pour en enfiler d’autres, différents. Pour faire éclore l’homme, il est nécessaire de passer par des expériences, une sorte de parcours d’un combattant qui ne voudrait plus combattre, des rencontres et se confronter à l’inconnu. Jaxie, dans un premier temps, fuira. Un père qui le bat plus souvent qu’à son tour, une mère morte de n’avoir pu l’aimer, un bourg trop marqué par l’héritage imbécile des conventions et de la morale puritaine. Il fuit loin de la « civilisation » pour vivre, dans sa mémoire, son histoire et son amour.
Un début lent qui laisse douter de la suite de l’histoire pour arriver à un parcours initiatique via un personnage rêvé ou réel, prêtre défroqué, habitant près d’un lac de sel, et là le récit prend à la gorge. La violence de la « civilisation » n’est jamais loin aussi loin que le paysage le laisse à penser. L’Australie dans ses trésors secrètement gardés des environs sauvages de Perth, la ville de naissance de l’auteur.
N.B.
« La cavale de Jaxie Clackton », Tim Winton, traduit par Jean Esch, La Noire/Gallimard