Un Debord éternellement vivant

Une ode à la jeunesse capable de vivre d’autres vies.

« Debord, printemps » n’a pas vraiment de statut. Pas un essai, pas un poème, pas une biographie, pas non plus vraiment portrait d’une jeunesse et d’une époque, pas vraiment saga, pas vraiment politique mais un peu de tout, pour un mélange explosif, virulent, sauvage. Le thème apparent, La figure de Guy Debord, jeune homme réfugié dans son îlot de Saint-Germain-des-Prés, entre différentes cavernes où se retrouvent un groupe de dissidents qui refusent la société de ces années cinquante appelées plus tard « les 30 glorieuses » (dixit Fourastié). « Ne travaillez pas » est le slogan affiché de ces lettristes d’abord puis situationnistes ». L’internationale que constitue Debord est striée d’exclusions, souvent à motif aviné ? Cette jeunesse rêve, construit un monde étrange autour d’elle-même animé par la volonté farouche de ne pas être digéré par ce monde inconnu pour elle. Continuer la lecture

L’exil, un entre deux

Rencontres

Un professeur d’université, Eduardo, et sa compagne, Lia, Guatémaltèques rencontrent un pianiste serbe, Milan, partagé entre les deux mondes de ses parents. Tsigane par son père, Serbe par sa mère il est rejeté par les deux communautés dans cette ex-Yougoslavie déchirée. Le choc esthétique est profond et déclenche un voyage onirique dans cette Mittle Europa qui n’existe plus, à l’intérieur de cette musique tsigane et surtout du jazz, à commencer par Thelonious Monk ici dénommé « Melodious Thunk ». Un roman sans début ni fin qui parle de l’errance, du parcours, de la marche pour se construire, se comprendre. Eduardo, issu d’une famille de rescapés de la Shoah, se projette dans Milan et veut le retrouver pour se trouver lui-même. « La pirouette » – titre de ce roman – représente une figure de notre espace-temps de ce monde en train de sombrer.

N.B.

« La pirouette », Eduardo Halfon, traduit par Albert Bensoussan, Quai Voltaire, 172 p.

Éloge du nomadisme.

La Ville est une inconnue. L’architecture, l’urbanisme proviennent du monde nomade. La Ville se construit par des limites – comme les Menhirs – pour orienter des parcours. La marche permet de découvrir les trésors cachés. C’est la thèse que défend Francesco Careri dans ce « Walkscapes », intraduisible anglais pour dire que la marche façonne des paysages, que la route est plus importante que les constructions. Une manière de revisiter à la fois les surréalistes, les Dadaïstes et les Situationnistes. Au moment où la BnF expose Guy Debord, cet essai permet d’apercevoir les filiations et la place de ces théorisations dans l’appréhension du monde. La préface, « La ville nomade » de Gilles A. Thiberghien – autre théoricien de cette architecture mouvante – permet de compléter et de comprendre la démarche de l’auteur. Stimulant.

N.B.

« Walkscapes. La marche comme pratique esthétique », Francesco Careri, traduit par Jérôme Orsoni, Éditions Jacqueline Chambon/Rayon Art, 221 p.

Articles publiés dans l’US Mag d’avril 2013