Sous les apparences de retour de la croissance (en France), la crise

La troisième crise financière a commencé…

Depuis août 2007, première crise financière dont la traduction a été la faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008, les pays capitalistes développés ont connu une profonde récession – surtout aux États-Unis – qui marquait l’ouverture d’une crise systémique. Les gouvernements, malgré des G20, une nouveauté, n’ont pas pris la mesure de cette crise aux dimensions d’une véritable crise de civilisation. Faute de réponse, l’acte II est intervenu en mars 2010 touchant cette fois prioritairement les pays de la zone euro mettant en cause directement la monnaie unique, une monnaie incomplète. De là date le surendettement de la Grèce cible de la spéculation.
L’acte III de cette crise a commencé à Shanghai à la fin du mois d’août 2015. la chute de la Bourse a eu immédiatement des échos dans les Bourses du monde entier. Les répercussions internes à la Chine seront sans doute limitées dans un premier temps. Le gouvernement chinois a réglementé les opérations possibles en Bourse – même s’il a été dépassé par le « shadow banking », une finance non réglementée – et a interdit aux banques d’intervenir sur ces marchés financiers. L’onde de choc est pourtant perceptible. Cette chute renforce l’incertitude qui se traduit par des oscillations inquiétantes des cours des Bourses. L’attention particulière accordée aux décisions de la FED s’explique par ce contexte de crise encore sous jacente. Si la Fed décide d’augmenter ses taux d’intérêt, une crise obligataire en résultera. Les propriétaires d’obligations – des parts d’emprunt – à taux zéro ou négatif s’empresseront de vendre et la chute est probable. Le dollar serait réévalué au détriment des monnaies de tous les pays émergents qui subissent la baisse drastique des cours des matières premières – à l’exception du cacao dont les cours montent – et la récession. Il pourrait en résulter une nouvelle crise de l’endettement. Le tout dans un climat de corruption qui remet fortement en cause la légitimité des équipes au pouvoir. Continuer la lecture

Des nouvelles de la crise systémique

Une nouvelle crise financière venant de Shanghai ?

Notre monde est Alzheimer. Il perd la mémoire immédiate pour décomposer et recomposer le passé indéfiniment en fonction du présent. Le temps se distend et la compréhension des événements s’évanouit.
Cette réflexion un peu générale pour revenir sur un sujet qui ne devrait pas quitter l’actualité, la chute de la Bourse de Shanghai le 24 août 2015 suivie par toutes les Bourses du monde entier. Les déclarations apaisantes se sont succédées. Sur le thème habituel, pour qui se souvient des prises de position des gouvernements et des « économistes officiels » comme des journalistes après le 9 août 2007 sur la sous estimation de la crise financière qui ouvrait pourtant une nouvelle période économique, « ce n’est pas grave ». The Economist traduit ce sentiment par  – « La Bourse de Shanghai s’est effondrée le 24 août mais elle est peu connectée à l’économie réelle » (cité dans « Courrier International » n° 1296 du 3 septembre 2015). L’hebdomadaire britannique en rajoute : « La Chine n’est pas en crise ». Ses propres erreurs d’analyse ne l’ont pas vacciné. Il faut dire que toute la presse s’est empressée d’oublier cet épisode qui, fait aggravant, a eu lieu pendant les vacances.
Ce verbiage s’appuie, comme à l’accoutumée, sur les dogmes libéraux qui font de la monnaie un voile entre les échanges sans comprendre les liens existants entre le capitalisme financier et « l’économie réelle », l’accumulation du capital pour parler autrement. Or, la domination du capitalisme financier représente la forme de ce capitalisme né dans les années 1980-90, années de victoire du libéralisme économique. Les critères de la finance sont devenus les critères dominants. Autant dire qu’une crise financière ne peut rester confinée aux marchés financiers. Elle connaît une extension vers l’ensemble de l’économie. Autrement dit, la crise financière se traduit ipso facto par une crise économique.
La chute de la Bourse de Shanghai aura des conséquences sur les possibilités d’investissement des entreprises chinoises ou installées sur le territoire de la Chine et, plus encore, sur les possibilités de construire, pour les autorités chinoises, un marché intérieur.
Le gouvernement chinois a pris en compte la nouvelle donne mondiale ouverte par la crise financière d’août 2007. La baisse de ses exportations vers les pays capitalistes développés – en premier lieu des États-Unis – due à la récession profonde de 2008, l’a obligée à repenser son modèle de développement. Sa croissance ne peut plus être tirée par les exportations, il lui fallait donc construire un marché intérieur en acceptant une augmentation des salaires et, ce, d’abord dans les entreprises transnationales installées sur son territoire. Continuer la lecture

Crise du rouble, chute des matières premières

Une crise oubliée, la crise de l’économie russe.

La Russie chancelle malgré ses interventions répétées en Ukraine. Les perspectives de croissance tournent autour de zéro jusqu’en 2017. Le rouble a été attaqué sur les places financières depuis le début de l’année 2014. Malgré les interventions répétées de la BCR – Banque Centrale Russe -, la monnaie russe a perdu 40% par rapport au dollar. Plus encore, entre le 3 et le 7 novembre 2014, plus de 8%.
Jusque là, la BCR et le gouvernement de la Fédération de Russie pratiquaient à la manière de feu le serpent monétaire européen du temps de l’ECU, une marge de fluctuation dans laquelle le rouble pouvait fluctuer par rapport aux autres monnaies, dont le dollar. La spéculation a été trop forte, la méfiance généralisée des marchés financiers a eu raison de cette marge malgré une intervention massive de la BCR qui a utilisé les deux seuls instruments possibles : le rachat massif de sa devise en vendant des devises étrangères qu’elle conservait sous forme de réserves et la hausse du taux directeur de l’intérêt. Continuer la lecture

Lorsque l’économie se livre en livres

EconomieDe la critique du libéralisme à de nouvelles propositions.

1) La crise en questions

Philippe Askenazy et Daniel Cohen récidivent. Sous leur direction, Albin Michel avait publié, en 2008, « 27 questions d’économie contemporaine » – qui, soit dit en passant, parlait peu de la crise systémique qui s’était déclenché, sans les prévenir, le 9 août 2007 – pour brosser un tableau des manques de cette dite science sociale, suivi, en 2010, des « 16 nouvelles questions d’économie contemporaine » qui abordait les causes de la crise financière et celle de l’Etat providence tout en proposant des pistes nouvelles pour l’assurance vieillesse ou la fiscalité. Pistes contestables dont certaines se retrouvent dans la vulgate gouvernementale, séparées de leur environnement théorique. Elles deviennent des « tartes à la crème » – comme le partage de l’espérance de vie entre travail contraint et travail non contraint, expression d’un recul idéologique profond portant sur la réduction du temps de travail – qui ôtent toute saveur au débat théorique sur la nécessité de ces propositions. Le gouvernement actuel rend un bien mauvais service à la cause de la science économique et à la gauche toute entière. Continuer la lecture

Dexia, un cas d’école

 

Les dérives d’une banque au service des collectivités.

Le 10 octobre 2011, après survécu à coups d’injections d’argent public belgo-français, Dexia – qui avait absorbé le Crédit Local de France – a été démantelé. Ses aventures n’étaient pas terminées pour autant. Les deux gouvernements Belge et Français se devaient de garantir ses opérations faute de quoi les effets en chaîne auraient pu conduire à la quasi-faillite de certaines collectivités territoriales. Dexia leur a vendu des « produits structurés » qui sont devenus des produits financiers toxiques qu’il faudrait annuler. Nicolas Cori et Catherine Le Gall ont mené l’enquête pour faire découvrir la face cachée de cette banque et expliquer les raisons d’une faillite, la première – mais pas la dernière – d’une grande banque européenne. Il y est question du « shadow banking » – le fameux « hors bilan » des banques qui recouvre la « titrisation », les prêts aux « hedge funds » – qui représenterait, suivant une étude citée par l’Expansion d’avril, 640 000 milliards de dollars. Le « niveau de défaillance » des banques reste élevé. La crise bancaire est devant nous. La nécessité de la réglementation s’en trouve renforcée.

N.B.

« Dexia, une banque toxique », N. Cori et C. Le Gall, La Découverte, 269 p.

Article publié dans l’US Mag d’avril 2013

 

Une loi à la Hollande…

Le Parlement entérinera le projet de loi sur les banques

Une réforme bancaire bancale

La nouvelle loi bancaire devrait être votée par le Parlement en ce mois d’avril. Sénateurs et députés l’ont déjà adoptée sans opposition notable. Elle veut corriger la loi du 24 janvier 1984 qui instaurait la banque universelle. La séparation entre activités de prêts aux ménages et aux entreprises (gagés sur les dépôts) et les activités de marché, spéculatives (la banque d’investissement) avait vécu. Les années 1980, marquées par la grande vague libérale de déréglementation, promouvait les marchés financiers comme le modèle de la nouvelle forme du capitalisme. La vulgate de la liberté des marchés devenait le nec plus ultra de toute politique. Continuer la lecture

La crise financière du Brésil

Crise financière : le retour !

Le Brésil, malgré les efforts financiers conjugués du FMI – Fonds Monétaire International – et des États-Unis, n’a pu éviter la crise monétaire et financière. Le real, sa monnaie, a d’abord dévalué puis flotte se dévalorisant de 40% depuis le début de l’année.

La crise monétaire du Brésil est passée quasiment inaperçue en France. Le ministre de l’Économie et des Finances – DSK – s’en va répétant que la croissance est au coin de la rue malgré « le trou d’air », l’expression est de lui, que nous traversons. Un trou d’air qui pourrait devenir un véritable cyclone. La crise brésilienne vient après celle des pays d’Asie du Sud-Est – démarrant en juillet 1997 en Thaïlande et se poursuivant – et celle de la Fédération de Russie d’août 1998. C’est le troisième coup. Et le troisième échec de la politique d’inspiration libérale du FMI.1 La crise se diffuse par l’intermédiaire de la chute des prix de toutes les matières premières. La déflation menace.
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