Le Parlement entérinera le projet de loi sur les banques
Une réforme bancaire bancale
La nouvelle loi bancaire devrait être votée par le Parlement en ce mois d’avril. Sénateurs et députés l’ont déjà adoptée sans opposition notable. Elle veut corriger la loi du 24 janvier 1984 qui instaurait la banque universelle. La séparation entre activités de prêts aux ménages et aux entreprises (gagés sur les dépôts) et les activités de marché, spéculatives (la banque d’investissement) avait vécu. Les années 1980, marquées par la grande vague libérale de déréglementation, promouvait les marchés financiers comme le modèle de la nouvelle forme du capitalisme. La vulgate de la liberté des marchés devenait le nec plus ultra de toute politique.
François Hollande, on s’en souvient, avait, pendant sa campagne, désigné, à juste raison, ce monde de la finance comme son principal adversaire. Dans le 7e de ses 60 engagements, il promettait tout à la fois de surtaxer les banques à hauteur de 15% et de revenir à la séparation stricte des activités de prêts et spéculatives. Il parlait d’activités « saines » pour qualifier le rôle traditionnel des banques de prêts à l’économie, soit à la consommation, soit à la production, soit, dans la loi, le critère « d’utilité ». Un critère flou. Le diable gît dans ces détails. Il permet aux banques d’éviter la scission entre leurs différents métiers. Or, les banques ont utilisé les dépôts pour spéculer pour leur propre compte sur les marchés financiers, achetant des produits qui se sont révélés « toxiques » comme les « subprimes » désormais bien connus. Elles ont poursuivi, prêtant des capitaux aux hedge funds, ces fonds d’investissement hautement spéculatifs et poursuivant dans la voie de l’innovation financière pour accumuler des bénéfices.
Cette séparation des activités était un premier pas dans la lutte contre un système qui tue toute possibilité de construire un avenir. Le raisonnement des marchés financiers porte sur le court terme – deux mois – et fait obligation d’augmenter le bénéfice dans ce laps de temps . Il favorise les actionnaires au détriment des salariés et de l’industrie. Les « plans sociaux, les restructurations d’entreprises, l’augmentation du chômage sont considérées par ces marchés financiers comme autant de bonnes nouvelles permettant de dégager du profit sur le court terme, sans comprendre que cet objectif prépare des crises – financières, économiques, sociales, écologiques – de plus en plus profondes.
Le deuxième volet de la loi porte sur la résolution des crises. A Chypre, il a imposé au gouvernement de taxer les dépôts au-delà de 100 000 euros et de mettre en faillite la deuxième banque du pays. Des mesures radicales mais trop tardives qui ne permettront pas de résoudre cette nouvelle crise européenne. La Banque de France devient le régulateur et pourra décider s’il faut démanteler une banque et faire payer les actionnaires. Les autorités dirigeantes sont toutes liées aux marchés financiers, à leur logique. Ils ne s’attaqueront pas à ces puissants lobbies. L’Etat – et non pas les contribuables – paiera sans doute les pots cassés pour éviter des faillites retentissantes, faute d’avoir voulu réglementer ces marchés, les dompter. D’autant que la dette souveraine française dépend de ces marchés, que les dettes spéculatives des entreprises se développent fragilisant l’ensemble de l’outil industriel et de l’emploi.
Jean-Marc Vittori, éditorialiste – de tendance libérale – des Échos (du 26 mars 2013) ironise sur cette loi très en deçà de la réforme prévue (mais pas encore votée) britannique ou allemande et même du projet européen provenant du rapport d’Ekki Liikanen, gouverneure de la Banque de Finlande. Il en conclut que « Hollande déroule le tapis rouge aux banquiers de la City »…
Nicolas Béniès.
Article publié dans l’US Mag d’avril 2013