A la recherche de l’amour perdu
Billie Holiday – son « vrai » nom, Fagan semble-t-il, n’a guère d’importance – s’est créée comme la vocaliste d’un siècle qui en compta de très grandes, dans le jazz. Inutile de les citer, elles restent dans nos têtes comme autant d’envols d’oiseaux magnifiques d’un jardin oublié. Billie, avec sa voix de tête, enrhumée – comme le son du saxophone ténor de Lester Young – fait penser à une corne de brume qui résonnerait pour nous prévenir des écueils qui nous attendent, de ces rochers invisibles à l’œil nu qui peuvent provoquer le naufrage. Une manière de découper les mots pour en extraire la musique et une signification nouvelle, une façon de transformer subtilement la musique pour la faire accoucher des mots qu’elle contient, le tout pour faire entrer l’auditeur(e) dans un monde étrange où rien n’est à sa place, où tout est structuré autour de cette voix qui sait murmurer des vérités éternelles, qui cherche désespérément, à travers le poids des mots, l’amour, celui d’une petite fille pour son père, pour celui qui lui dit de faire et de ne pas faire, qui permet de dessiner les contours du monde réel. Elle recherchera le confort de cet homme trop tôt disparu. Elle sera, et elle le racontera sur tous les tons, du fait de cette absence, une gosse de cette rue qui ne pardonne rien.
Elle saura, comme personne, creuser les émotions en tragédienne accomplie, tout en maniant l’ironie et l’humour sans esprit de sérieux tout en prenant au sérieux la seule chose qui compte, la musique. Continuer la lecture