Jazz. Mondial ? Non, Cosmique !

Dance Music.

Julien Alour cosmic danceJulien Alour le fait façon puzzle. Une comptine pour ouvrir l’esprit et retomber dans les bras de cet enfant qui n’est plus pour s’orienter résolument vers une danse curieuse à la métrique pour le moins étrange qui mêle les bruits de tous les pays, que ce soit du côté slave ou de celui d’une Arabie ; le tout rêvé au son d’un clair de lune qui sait nous emporter vers le cosmique, vers l’ailleurs. « Cosmic Dance », titre qui sonne comme une revendication. Une sonorité de trompette où se retrouve tous les prédécesseurs façon collage cette fois sans que le musicien se perde dans des imitations. Miles comme Booker Little, Lee Morgan comme Kenny Dorham se retrouvent associés. Sans oublier l’univers de Yusef Lateef, saxophoniste, flûtiste qui a disparu – dans le Cosmos bien sur, Thelonious Monk éternel moderne et d’autres rythmes plus contemporains d’une jeunesse qui continue de s’inventer dans un monde bloqué dans les vieilles lunes et les idéologies réactionnaires. La musique, elle, s’échappe, tourbillonne dans la mémoire fertile du jazz. Pour éviter les images appelons « ça » la musique « cosmique ». Une idée à creuser. Continuer la lecture

Jazz. Le jazz et l’Europe

Légende européenne du jazz

Arild AndersenArild Andersen, contrebassiste, fait partie intégrante du jazz de notre temps. Il serait vain, comme on le fait parfois – par exemple sur Wikipédia – de chercher à opposer un jazz européen à un jazz qui serait américain. Le jazz est une invention américaine. Il avait besoin comme ingrédients toutes les cultures africaines, européennes et amérindiennes. Aucun autre sol que celui des États-Unis d’Amérique n’avait la faculté de les réunir. Dans le même temps que sa naissance, cette musique fut aussi issue de la révolte et de la lutte pour la dignité de ces esclaves à qui la société blanche refusait toute visibilité.
Cette révolte a été partagée. Le jazz européen de manière générale s’y est alimentée particulièrement à partie de la fin 1917 avec le débarquement des musiciens de Jim Europe Reese. Et le jazz de prendre son autonomie en s’alimentant de toutes les histoires nationales.
L’initiative de la revue « Jazz thing », pour son 100e numéro, de réaliser 5 CDs et 5 concerts pour rendre toute sa place aux musicien-nes de jazz européen-nes permet d’apercevoir que les frontières sont troubles entre les deux côtés de l’Atlantique. Continuer la lecture

Jazz. A trois, c’est parti…

Un trio.

Il est rare que trois musiciens arrivent à se transcender pour arriver à la fois à un dialogue – un trilogue ? – et à une osmose qui laisse croire à la fraternité. Un trio étrange à première vue, mélange de celui de Nat King Cole et de celui classique de Bill Evans. Ici, piano – François Chesnel -, guitare – Pierre Durand – et batteur (producteur en plus) – Davis Georgelet – mêlent idées, sonorités, phrasé pour flatter l’imagination de l’auditeur devenu partie prenante de cette création. Les images succèdent aux sons de ce voyage immobile au plus profond de nous-même. Chacun est tour à tour leader et accompagnateur pour forger un son original tout en intégrant la mémoire du jazz.
Osons une parenthèse. Si ce trio n’était pas « de jazz » mais de « musique » aurait-il plus d’auditeur-e-s ? Si oui, il faudrait abandonner l’étiquette « jazz » même si cette musique née quasiment avec le 20e siècle charrie le patrimoine de tout ce siècle. Une mémoire trop souvent abandonnée comme en friche. Mais le terme ne fait rien à l’affaire… Continuer la lecture

JAZZ, Ballades

Retrouvailles

Comme si nous avions perdu de vue deux vieux amis. Comme si nous nous retrouvions chez l’un – Dave Liebman, saxophone soprano, ténor, flûtes – ou chez l’autre – Richie Beirach, piano, pour échanger sur le temps qui passe, celui qui reste dans la gorge ou bien celui qu’il fait sans craindre de faire référence aux auteurs classiques, ici Bach, Kurt Weil, Billy Strayhorn et Duke Ellington pour faire appel à Wayne Shorter dessinant un portrait, « Sweet Pea », de Strayhorn ou à Jobim tout en soulignant la place des compositions originales. Sans oublier Coltrane et son aura qui inonde le duo.
L’amitié est ici le ciment essentiel. Elle donne à cette rencontre une atmosphère de fraternité loin de tous les combats qui agitent d’habitude le monde du show biz dont peu ou prou le jazz fait partie.
Ces deux là se jouent de toutes les références tout en jouant avec leurs communes influences. Un patrimoine commun leur permet de dialogue sereinement sur ce monde qui ne tourne plus rond, autour d’un verre de ce vin magnifique, ce vin des contrées oubliées et perdues que seule la conversation musicale permet de retrouver. La violence resurgit parfois au détour d’une de ces pointes dans les aigus de ce soprano toujours en éveil. Continuer la lecture

Jazz, De la guitare, France/États-Unis

Venu d’autre part…
voulga-david_Inner Child_Le premier album d’un guitariste et compositeur, David Voulga, qui voudrait retrouver la naïveté de la découverte d’un enfant. « Inner Child » laisse entendre une musique rythmée qui laisse entendre toutes ses références de l’afro-cubanisme aux musiques occidentales en passant par les dites musiques du monde tout en affirmant la filiation avec les grands guitaristes du passé. Une ode aussi au grand-père, immigré grec ainsi qu’à tous ceux et celles déracinées, acculturé-es à la recherche d’une autre culture, de valeurs. L’équipe de musiciens – beaucoup de Montpellier – s’est rassemblée pour servir le projet du guitariste. Prometteur.
« Inner Child », David Voulga, Absilone distribué par Socadisc.

De l’autre côté…
guitaristeMatthews Stevens, guitariste, veut lui aussi renouer avec la nature et son âme d’enfant. Des compositions à la structure étrange qui se veulent de notre temps mais qui ont du mal à véritablement décoller. La présence du pianiste Gerald Clayton est un gage de cette volonté d’originalité. De faire du neuf avec du vieux pour conserver le patrimoine et le faire fructifier. Il faut découvrir le leader, son projet bien défini par le titre « Woodwork », le travail du bois et l’ensemble des musicien–nes tout en regrettant l’absence de batterie au profit de percussions.
Nicolas Béniès.
« Woodwork », Matthew Stevens, Whirlwind Recordings

Jazz d’ailleurs et de toujours

Musique pour contes russes.

KornazovGueorgui Kornazov, tromboniste et compositeur, ne craint pas d’intriguer l’acheteur. Une pochette noire au titre étrange comme venu d’ailleurs, « Suznanie » où figure deux noms, le sien et celui de Leonardo Montana sans autre mention. A l’auditeur potentiel de vaincre ces obstacles pour ouvrir cet album, mettre le CD sur sa platine et prendre le train en marche.
Il n’est pas long à découvrir, s’il ne le savait déjà, que Montana est pianiste et sait s’insérer dans l’univers du tromboniste qui fait la part belle à ses origines revues et corrigées par le jazz lui-même.
« Suznanie » se présente comme une longue suite ou, plutôt comme des gares qui balisent le voyage, un voyage dans les histoires de notre enfance, dans les contes de notre grand-mère forcément russe. Si, par hasard, elle ne l’était pas – russe -, elle raconterait des histoires semblables, de ces contes et légendes légères et graves pleines de bruits et de fureurs d’un monde qu’il est difficile d’oublier. Le rêve permet de s’en échapper pour s’effondrer ailleurs, pour construire un autre monde.
Gueorgui n’a rien oublié, ni Henri Texier ni sa grand-mère, encore moins les grands trombonistes qui ont marqué le jazz à commencer, pour lui – c’est évident à l’écoute –, Roswell Rudd chez qui il a pris cette rugosité qui va si bien à sa musique en la servant.
Il a trouvé chez le pianiste, le même goût de raconter des histoires tout en sachant mettre en valeur ses compositions et assurer un soutien rythmique sans faille.
Un duo qu’il faut entendre. Une surprise – une bonne – à l’écoute d’un album qui a oublié de se présenter à l’auditeur. Il faut passer au-dessus pour découvrir cet univers. L’album le plus abouti du tromboniste à de jour.
Nicolas Béniès.
« Suznanie », Gueorgui Kornazov/Leonardo Montana, contact kornazov@free.fr