Stan Getz, le retour

Paris pour le jazz.

Janvier 1959, la Ve République fait ses premiers pas, la guerre d’Algérie se poursuit et Paris se donne des airs de capitale du jazz. Stan Getz in Town, « The Sound » en personne est à Paris. Les concerts sont, comme d’habitude, organisés par Franck Ténot et Daniel Filipacchi sous l’égide de leur émission pour Europe N°1 « Pour ceux qui aiment le jazz » et à l’Olympia comme il se doit.
Pour ne rien gâcher, Stan – appelez-le Stanislas et pas Stanley – fait appel au plus parisien des batteurs américains, Kenny Clarke, au guitariste Jimmy Gourley, un autre expatrié, à Martial Solal et Pierre Michelot, respectivement au piano et à la contrebasse. Des musiciens qui partagent, à l’époque, une même esthétique et une même admiration pour le saxophoniste. Le batteur et le contrebassiste ne se quittent guère en cette in des années 1950, ils font partie du trio du Bud Powell.
Bientôt Stan Getz voguera vers les cieux du Brésil et de la Bossa Nova. Pour l’heure, comme il est logique pour une telle rencontre, les standards sont le matériau adapté. Getz sait les caresser à rebrousse poil pour faire surgir l’inattendu de ces lambeaux de culture.
Stan, lorsque la maladie lui laisse quelque vacance, peut se révéler un hôte agréable qui sait reconnaître le talent comme il le fait, ici, avec Martial Solal. Le saxophoniste ténor est, pour ce concert, en forme. Il se permet même de citer indirectement Lester Young – lui aussi à Paris dans ce début 1959 – en se surnommant « Miss Stan Getz », en référence à la manie du « Président » – surnom de Lester – d’appeler tout le monde « Lady ».
Trois plages, toujours des standards et avec les mêmes, seront enregistrés dans les studios de Europe N°1 pour parfaire le retour de Stan Getz avec cet album, un Stan Getz qui ne sait pas se faire oublier.
Nicolas Béniès.
« Stan Getz 1959 », Live in Paris, Frémeaux et associés.

Un intitulé étrange, « Jazz From Carnegie Hall »

Un concert exceptionnel

Le Carnegie Hall, sis à New York City, est des hauts lieux des concerts d’abord classiques, symphoniques même si des vedettes de la chanson française comme Charles Aznavour s’y sont produites. Il avait ouvert ses portes, entrouvert serait plus juste au jazz dés 1932 pour accueillir Benny Goodman et son orchestre en 1937 et les concerts organisés par John Hammond en décembre 1938 et 1939, « From Spiritual To Swing ». Une histoire qui aurait pu être d’amour mais il n’en fut rien, du moins en cette fin des années cinquante.

Kenny Clarke au premier plan

Pourquoi, en tenant compte de cette mémoire, appeler une série de concerts et de tournées qui prenaient exemple sur les « Jazz At The Philharmonic » – JATP pour les intimes – « Jazz From Carnegie Hall » ? Une idée du britannique Harold Davison confondant volontairement tous les philharmoniques pour bénéficier de la renommée du lieu. Le titre n’a sans doute pas plus d’importance qu’anecdotique mais il est révélateur des méconnaissances de l’époque de la vie aux Etats-Unis. Il faudrait faire une étude des relations du jazz et des salles de concert exception faite de ces JATP voulus par Norman Granz pour faire reconnaître le jazz, les musicien-ne-s et casser les codes des frontières entres les branches de la musique et lutter contre le racisme. Continuer la lecture