Une évocation du Paris des années 1920

Robert McAlmon comme figure clé et oubliée.

« La nuit pour adresse », un titre que l’auteure Maud Simonnot a emprunté à un poème de Louis Aragon, est aussi une sorte de devise pour tous ces Américains installés à Paris en ce début des années 20. Ces jeunes gens, filles et garçons, baignent dans un océan d’alcool tout créant, comme autant de bouteilles à la mer, des œuvres dans tous les domaines. Tout ce monde vit la nuit, fréquente les boîtes à la mode, se retrouvent chez Bricktop qui tient un club de jazz et s’enivre de cette musique qui fait ses premiers pas. Continuer la lecture

Le temps du conteur.

Tahar Ben Jelloun, écrivain japonais ?

Gallimard, dans cette collection Quarto, a décidé de laisser à Tahar Ben Jelloun non seulement le choix des textes – intitulé « Romans » – mais aussi « les points de repères » biographiques et bibliographiques qui font l’originalité de cette collection. Presque une autobiographie. Tahar raconte sa famille, son Maroc, Fès surtout, point de départ et d’arrivée, ville de toutes les histoires, de tous les imaginaires, Tanger où son père avait ouvert une boutique, Paris, ville de toutes les rencontres – notamment celle de Jean Genet, une sorte de géniteur –, des études, du succès.
L’an 2000 fut une mauvaise année pour lui. A mots couverts, il est question de la police secrète marocaine et de ses sbires capables de toutes les basses manœuvres pour dénigrer, calomnier et même menacer physiquement la personne visée. Il dit avoir réussi à résister mais il reste un sale goût dans la bouche. La monarchie marocaine ne pardonne pas, n’oublie pas. Une sorte de retour vers ces premières années, 1966-1968, 19 mois pendant lesquels il fut soumis à la répression journalière dans un camp disciplinaire de l’armée marocaine. Pour supporter, l’évasion par la poésie, par les mots, par la force de l’imagination. S’inventer des histoires pour s’inventer soi-même sans le savoir réellement. Ainsi naît une vocation d’écrivain. Continuer la lecture

Saul Bellow (suite)

L’américanité existe, Bellow l’a construite.

Saul Bellow quarto (2)Saul – diminutif de Salomon – Bellow (1915-2005), fils d’immigrés juifs russes de Saint-Pétersbourg parlant Yiddish installés d’abord au Québec puis à Chicago, deviendra, par la force de sa volonté, un écrivain américain cultivant son « américanité », sa spécificité. Comme James Joyce, il forgera un vocabulaire spécifique et une manière d’écrire.
Il lui faudra attendre son troisième roman, « Les aventures d’Augie March » pour faire cette entrée fracassante en littérature. Une accumulation de détails, de mots, une luxuriance d’images dont le socle repose sur une critique sociale, celle du capitalisme triomphant qui rogne les ailes de la créativité et oblige à franchir toutes les limites surtout celles que la société considère comme le « bon goût ». Continuer la lecture

Littérature : Julio Cortazar


L’art du conte.

En France, où il s’était installé en 1951 fuyant le péronisme – il sera naturalisé Français en 1981 par Mitterrand -, Julio Cortazar, l’un des plus importants littérateurs du 20e siècle à l’instar de James Joyce, est un peu oublié. Son influence est considérable aujourd’hui encore sur toute la littérature latino-américaine. Il a su utiliser l’art particulier du « conte » provenant de la tradition sur américaine, via notamment Borges, pour la transformer de l’intérieur, en faire un labyrinthe pour le lecteur à la fois pour le perdre et pour lui permettre de se retrouver en « coagulant » – le terme est de lui – les situations et les personnages pour faire apparaître une autre réalité derrière celle des apparences. Il avait su utiliser le fantastique quotidien, celui que nous vivons lorsque nous dialoguons avec nos morts ou lorsque le temps se distend sous l’effet d’on ne sait quel phénomène. Continuer la lecture