Travail de mémoire contre souvenirs


Comment vivre après la mort ?

Jorge Semprun (1923 – 2011) s’est interrogé jusqu’à la fin de sa vie sur la barbarie et des moyens d’y survivre, sur ses camps de concentration qui tuent toute humanité pour ne laisser subsister que la lutte pour la survie. Que se passe-t-il lorsque tout s’est écroulé, lorsque la mort a fait son œuvre ? Primo Levi a essayé de lever ce voile dans « Si c’est un homme » cherchant dans les méandres de ce génocide les restes d’une humanité qui se faisait de plus en plus rare. Semprun s’est intéressé à la mémoire, au « fer rouge » de cette mémoire pour conjurer les souvenirs, ces hoquets d’un passé qui ne veut pas disparaître, de ces appels de l’inconscient venant d’une culpabilité – celle d’être vivant – du fond des âges. Longtemps les déportés de ces camps n’ont pas pu parler. Il a fallu du temps, et Semprun, pour travailler la mémoire, donner un sens à tous ces souvenirs. Le souvenir suppose une part d’oubli disait Maurice Blanchot, raccourci superbe en même temps que paradoxal, pour souligner qu’il est à la fois ami et ennemi de cette mémoire qui suppose la distanciation. Plus encore il y faut aussi « un peu d’artifice… pour que ça devienne de l’art » écrivait Semprun. Et il réussit ce tour de force. Il nous invite à ces réflexions au travers des ouvrages – essais, romans, morceaux de vie ? Comment les qualifier ? – réunis dans ce volume, qui nous balade de 1963 pour « Le Grand Voyage » à 2001 pour « Le Mort qu’il faut » en passant par 1994 pour ce texte fondamental, fondateur « L’écriture ou la vie » d’un témoin qui voit s’éloigner l’expérience de sa vie dans les tréfonds d’une Histoire engloutissant la mémoire vivante. L’écriture pour garder intact les sensations, la découverte de la vie, la sortie de la mort et, pour tout dire, la renaissance mais une renaissance difficile, chaotique de la part d’humanité qui est en chaque être humain.

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La zone euro dans la tourmente.

La crise systémique du capitalisme s’approfondit.

Les prévisions sur la croissance mondiale intègrent de plus en plus la réalité de la profondeur de la crise à la fois financière et économique. La désagrégation du système bancaire de la zone euro en est partie intégrante. Elle accentue la récession qui pourrait devenir dépression, via la déstructuration des systèmes de protection sociale qui fait baisser plus encore le marché final.

Une crise mondiale.

Les capitalistes tablaient sur la Chine et l’Inde, dans une moindre mesure, pour tirer la croissance mondiale. Ils ont donc investi massivement dans ces deux pays-continent. La croissance chinoise s’oriente à la baisse en cette année 2012 – certes, elle passe des alentours de 10 à moins de 8 mais pourrait avoir des effets politiques – et celle de l’Inde stagne. Des désinvestissements des grandes entreprises, notamment françaises, dans ces deux pays en découlent. Ces prévisions mettent en lumière les changements de la conjoncture.

La crise systémique se traduit par des crises, financière, économique, sociale, politique, culturelle dans un monde qui subit de plein fouet la plus profonde crise écologique de toute l’histoire de l’Humanité. Aucun gouvernement ne se dote d’instruments capables de lutter contre toutes ces crises. Elles exercent un effet de synergie.

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Notre soleil noir… le polar

Le coin du polar

 

Il ne faut jamais bouder le plaisir d’un nouveau James Sallis, même s’il s’agit d’une réédition en poche. « L’œil du criquet » – un titre énigmatique comme souvent chez lui – est une des dernières « enquêtes » de Lew Griffin, son double détective Noir, qui le conduit via les cloaques construits par cette société blanche et capitaliste vers la rédemption. Une quête de la réconciliation avec soi-même, ses enfants, ses amis sans oublier la révolte qui reste présente. En arrière-fond cette Nouvelle-Orléans omniprésente malgré les destructions. La Ville elle aussi résiste. Un des grands écrivains tout court et qui sait tout ou presque du blues et du jazz.

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Sur quelques livres d’économie récents.

Combattre la crise.

Les joutes électorales ont été dénuées de toute référence à la crise systémique vécue par le capitalisme et même au bilan de déstructuration totale des services publics des politiques gouvernementales, aggravant la récession. La personnalité de Sarkozy, son rejet, a contribué à obscurcir la question des politiques économiques permettant le changement. La fondation Copernic, comme c’est son rôle, veut apporter des contributions à la définition de l’intervention publique dans le contexte actuel d’une conjonction de crises, financière, économique, écologique. D’une crise qui pose aussi la question de la pérennité de la construction européenne. « Changer vraiment ! » – un titre un peu trop utilisé quoique « le changement c’est maintenant » ! – propose un début de programme soumis à la critique mais qui doit intéresser tous les acteurs sociaux à commencer par nos organisations syndicales. Les auteurs – divers – ne sont pas tous d’accord et ils le disent, alimentant plus encore le débat, un débat vital pour notre avenir.

Nicolas Béniès.

« Changer vraiment ! Quelles politiques économiques de gauche ? », coordination, Jean-Marie Harribey, Pierre Khalfa et Christiane Marty, Syllepse, 138 p.

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