JAZZ Cool en Europe

La mémoire du jazz.

Le jazz, il faut le répéter, a rythmé le 20e siècle. On a oublié que, sous ce terme unique, des réalités plurielles existent. Pas seulement sous la forme de styles différents, « New Orleans », « Dixieland », « Swing », « Be-bop », « Cool » ou « West Coast », « Free Jazz » mais aussi avec des spécificités nationales originales. Sous des références à un vocabulaire et une grammaire semblables, les modalités, les phrasés, les matériaux sont assez spécifiques. Continuer la lecture

Chanson française.

Une affaire de rencontre.

Patachou, née Henriette Ragon le 18 juin 1918 du côté de la butte Montmartre, et Georges Brassens, né le 22 octobre 1921 à Sète se sont découverts après la seconde guerre mondiale dans ces années cinquante qui voient la création d’une nouvelle chanson française. Elle le chantera avant qu’il ne se chante. Elle lui ouvrira les portes nécessaires pour se faire connaître et investir les music hall. On se souvient que Brassens s’installera à Bobino. Frémeaux et associés nous permet de les entendre par le biais d’une compilation pour la première et d’un concert enregistré à l’Olympia pour l’autre.
Patachou fait le lien entre les générations, chantant Aristide Bruant comme les nouveaux venus qui ont nom, mis à part Georges, Francis Lemarque, Léo Ferré, Charles Aznavour, Mick Micheyl, Guy Béart sans compter les musiques de Michel Legrand et l’accordéon de Joss Baselli pour exprimer un air de Paris fait à la fois de la gouaille du titi et de cette élégance qui fait de la Capitale, en ce temps là, la Ville de référence.
Dany Lallemand rappelle, dans le livret, l’itinéraire de la chanteuse, dactylo, caissière d’une pâtisserie puis un restaurant dont elle est propriétaire qui deviendra un cabaret dans lequel elle chante. Elle saura représenter la chanson française partout dans le monde. Elle instaure un style original, une manière de creuser les mots, de leur faire suer des significations au-delà d’eux-mêmes. A l’époque les chansons circulent. L’exclusivité n’existe pas. Les comparaisons sont possibles. Il faut donc, dans l’arrangement, dans la manière de chanter faire la preuve de sa créativité.
Cette compilation regroupe les enregistrements de Patachou de 1950 – c’est encore les 78 tours – à 1961 sous la forme de 45 tours pour lui rendre un hommage vivant, pour faire revivre cette période, pour renouer les fils de notre mémoire.
Georges Brassens, lorsqu’il se produit sur scène, ne fait pas vraiment de mise en scène. Un tabouret, sa guitare et un micro. Derrière lui, un contrebassiste – de jazz, il faut le souligner -, Pierre Nicolas. De temps en temps, l’un parle à l’autre pour lutter contre le trac sans doute. Et c’est tout. Le dépouillement intégral. Le public est à l’unisson. Ce 4 novembre 1961, Brassens teste ses nouvelles chansons. Par rapport au disque, des petits changements sont perceptibles. Sur scène, il est plus proche du jazz et même du blues. Il se laisse aller à quelques accords différents. Une sorte d’inquiétante familiarité avec les albums réalisés en studio.
Ce concert fait partie d’une nouvelle collection, « Live in Paris », dirigée par Michel Brillié, ancien assistant de Daniel Filipacchi et Franck Ténot à Europe 1, et Gilles Pétard responsable du label « Body and Soul ».
Le bonus est d’importance. En novembre/décembre 1955, Georges vient à Europe1 tester ses chansons devant un public averti. Entendre cette manière d’interpréter est un cadeau inespéré. Là, il est plus décontracté, plus bluesman pour manier l’humour et l’ironie. Une découverte.
Nicolas Béniès
« Patachou, 1950 – 1961 », présenté par Dany Lallemand, coffret de deux CD ; « Georges Brassens, 3 novembre 1961 », « Live in Paris. La collection des grands concerts parisiens », dirigée par Michel Brillié et Gilles Pétard, Frémeaux et associés.

Le coin du polar (1)

Quand on a que l’amour…

L’amour peut-être une perversion lorsqu’il se conjugue avec la mort de l’être aimé. L’amoureux fou devient crocodile. C’est la thèse de Maurizio de Giovanni, dans « La méthode du crocodile ». Il l’explique remarquablement. Le crocodile n’est pas un animal vif, il ne peut se déployer rapidement pour saisir sa proie. Il faut qu’il attende que la proie vienne à lui. Il attend. Sa patience est sans limite.
Le meurtrier met en pratique cette méthode en s’attaquant à des adolescents ou à des enfants. Il a un projet. De vengeance, d’une vengeance planifiée, programmée de celle qui se mange froide.
Son « détective privé » est un inspecteur sicilien exilé à Naples, victime d’une calomnie d’un repenti, Giuseppe Lojacono. Il a perdu femme et fille et se morfond dans un commissariat obligé à ne rien faire. Père, il comprend le projet. Il sera aidé par une substitut, elle aussi venu de l’île, Laura Piras. Un couple que nous retrouverons. C’est leur première aventure.
Un roman noir, avec un arrière fond urbain, celui d’une ville, Naples, dans laquelle plus personne ne prête attention à l’autre et vaque à ses propres affaires sans se sentir concerné par d’autres questions qu’individuelles. L’auteur n’oublie pas la chape de plomb de la religion qui visse les comportements et oblige, par respect de la respectabilité, à commettre des actes irréparables.
Pour les enquêtes à venir, il faudrait une écriture plus resserrée, moins de complaisance envers les personnages centraux.
« La méthode du crocodile », Maurizio de Giovanni, traduit par Jean-Luc Defromont, 10/18.