Littérature. Ecrivaine copiée qui refusait de « faire carrière », Claire de Duras


(Re)découvrir une romancière oubliée.

Claire de Duras, duchesse de son état, a été longtemps ignorée par sa postérité. Elle fut pourtant une gloire littéraire des années 1820 avec son premier roman « Ourika » copié tant et plus par des plumitifs et des éditeurs à la marge de toute légalité et de toute morale. La duchesse tint aussi salon – que fréquenta Madame de Staël -, évoluant dans cette « bonne » société royaliste du règne de Louis XVIII, réactionnaire à tout crin. Le futur Charles X, dit le simple à cause de ses idées étroites et imbéciles, frère cadet de Louis, imposait un mode de pensée contre révolutionnaire qui signera sa chute en 1830. La duchesse ne partage pas ces positions, partagée qu’elle est entre une mère royaliste et un père qui a participé à la Convention et à la Révolution et perdit la tête sous le couperet de la guillotine pour avoir refusé de voter la mort de Louis XVI. Elle essaie de résoudre toutes ses contradictions sans renier ce père breton.
Elle sera la grande amie de Chateaubriand, qui la jalousait, sa « sœur » en littérature. Elle l’aidera à obtenir un poste de ministre puis d’ambassadeur par son entregent et par la grâce de son duc de mari. Chateaubriand, fidèle à lui-même, ne reconnaîtra pas son talent contrairement au critique Sainte-Beuve…

Toutes ces informations on les trouve dans la préface très détaillée de Marie-Bénédicte Diethelm qui présente ces « Œuvres romanesques » complétées, par rapport à la première édition de 2007 – aussi en Folio – d’inédits faisant de cet ouvrage une référence pour connaître et apprécier les romans d’une duchesse étrange capable de traiter de sujets loin de l’air de son temps en cette première moitié du 19e – elle publie « Ourika » en 1822, Sainte-Beuve s’en souviendra en 1834 -, le racisme, Ourika est Noire, et même l’impuissance masculine.
Elle meurt à 50 ans, sans avoir voulu publier ses autres romans. La découvrir et la redécouvrir est nécessaire pour avoir son seulement une idée de notre patrimoine – faudrait-il parler de « matrimoine » ? – perdue mais aussi du simple plaisir de lire les œuvres d’une talentueuse autrice.
Nicolas Béniès
« Œuvres romanesques », Claire de Duras, Édition de Marie-Bénédicte Diethelm, Folio/Gallimard