La pandémie a bousculé toutes les certitudes, toutes les organisations. Une refondation apparaissait vitale. Pourtant, cette année, apparemment, les festivals font « comme avant ». Les changements sont, au-delà des apparences, présents. Au niveau des financements d’abord. L’inflation rapide et brutale augmente mécaniquement les charges au moment où les subventions à la culture baissent dans le climat de diminution des dépenses publiques de l’État comme de toutes les collectivités territoriales obligeant les organisateurs à trouver de nouvelles recettes, de nouveaux partenaires souvent privés qui réclament des contreparties. Les contraintes environnementales – nécessaires, vitales même – pèsent sur les charges fixes et les artistes exigent des cachets de plus en plus élevés pour faire face à la baisse des royalties due au « streaming ». Pour conserver un public nombreux, le prix des spectacles ne peut pas trop augmenter.
La programmation connaît, elle aussi, des évolutions. Au fil de l’évocation de quelques festivals qui ont retenu l’attention de l’équipe, il sera loisible de le constater. Pour le moment, aucun réflexion d’ensemble ne se manifeste. Elle serait nécessaire pour ne pas subir le poids des évènements.
Justine Triet, palme d’or du festival de Cannes, avait clairement posé la question de « l’exception culturelle », la culture ne pouvait devenir une marchandise faute de perdre son âme. Il fallait la considérer comme un service public, soustrait aux lois du marché. Un débat d’avenir, fondamental pour nos sociétés qui ont tendance à perdre la mémoire.
Pour les festivals de jazz – l’été reste malgré tout leur saison préférée – une des conséquences positives est un retour vers une programmation qui abandonne, comme c’est le cas pour Vienne, les à-cotés musique de variété avec la volonté d’attirer un public plus nombreux. Les artistes de jazz ont des cachets inférieurs à ceux de la variété qui expliquent vraisemblablement les choix. Par contre, et sans doute pour les mêmes raisons de coût, les musicien.ne.s d’outre atlantique sont largement absents à quelques exceptions prés, Herbie Hancock à Nice (nicejazzfestival.fr, qui fait exception à la règle en invitant le plus d’Américain.e.s sans qu’ils prennent toute la place), le pianiste Brad Mehldau au « Marseille Jazz des cinq continents » (jusqu’au 27/07, www.marseillejazz.com, à l’affiche éclectique et fournie) ainsi qu’à Marciac, Pat Metheny à Vienne comme au « Jazz à Sète » (jazzasete.com) et la future diva, Samara Joy, présente dans la plupart des festivals de l’été, qu’il ne faut rater sous aucun prétexte. Avec deux albums à son actif, elle brille déjà au firmament du jazz.
Le positif, une place plus grande aux artistes français et européens, et même, une tendance qu’il faut encourager, aux musiciens locaux. Les découvertes devraient nombreuses.
Marciac donc présente les fins de tournée. Comme l’an dernier, il a changé de calendrier par rapport à l’avant pandémie. Il s’étend du 20/07 au 06/08, avec toujours les concerts gratuits qui font sa réputation comme son chapiteau et sa programmation (jazzinmarciac.com) souvent semblable à celle de Vienne, festival qui continue, contre vents et marées à ouvrir les estivales du jazz (jazzavienne.com), jusqu’au 13/07.
D’autres, moins vastes, continuent à la fois d’exister et de se diversifier. C’est le cas de Junas, dans le Gard, qui, toute l’année, se fait éducateur au jazz, à la musique pour les élèves des écoles et se trouve à la tête de trois festivals dont le plus important reste celui à Junas même dans les anciennes carrières de la pierre de Nîmes. Un endroit superbe. (www.jazzajunas.fr). Souillac, dans le Lot, se nomme « festival Sim Copans » en hommage au créateur des émissions de jazz sur la radio diffusion française, fait aussi preuve d’une grande vitalité en se conjuguant au féminin avec la harpiste Isabelle Olivier, la saxophoniste Géraldine Laurent, la flûtiste Naïssam Jalal, du 15 au 22/07 (souillacenjazz.fr)
Crest, dans la Drôme, fête sa 47e édition, du 30/07 au 5/08 avec, comme à l’habitude son concours de Jazz Vocal, ses conférences sur l’histoire du jazz données par N.Béniès à la médiathèque, cette année « Les fantômes de New York » et une programmation où brille Thomas de Pourquery, Sixun qui fait son retour après plus de 10 ans d’absence avec un album paru en 2022. Le groupe sera présent dans la plupart des festivals, Eric Seva sera aussi de la fête. (crestjazz.com).
L’Est a aussi ses festivals, comme « Nancyphonies, à Nancy et dans la Métropole du grand Nancy, du 07 au 22/07 ; 18 concerts et trois masterclasses publiques notamment une opposant André Manouchian et Jean-François Zigel. (www.nancyphonies.com)
Paris a ses festivals via les clubs comme le Sunset, le Sunside ou le New Morning sans compter, en traversant le périphérique, Le Triton et fera de la place, les 16 et 17/09 au « Paris/New York, Heritage Festival », sis Parc André Citroën, dans le 15e. A l’affiche des « battle de breakdance », sa gastronomie, ses DJ et, sur scène le Kyoto Jazz Massive parmi les 50 artistes invités. (pnyhfestival.com)
Nicolas Béniès