Départ vers des contrées ignorées
Si vous ne pouvez aller aux festivals de jazz, il faut s’organiser pour que les festivals viennent à vous. Installez-vous confortablement et prenez des disques parus cette année.
Commencez, par exemple, avec ce groupe, Sébastien Texier & Christophe Marguet quartet, soit un saxophoniste alto/clarinettiste et un batteur aussi compositeurs de tous les thèmes, pour une musique qui trouve ses affluents d’abord chez Ornette Coleman, pour l’humour, les sonorités et dans les cultures de l’Europe de l’Est, les Balkans en particulier. Un quartet complété par François Thuillier au tuba pour une coloration particulière qui le rattache à la fois à l’histoire du jazz – les premières basses furent « à vent » – et à la modernité, Manu Codjia à la guitare électrique reste un des compagnons les plus fidèles aux deux leaders.
« For Travellers Only », pour voyageurs seulement, pour des voyages dangereux, lointains que sont ces voyages immobiles vers lesquels ils veulent nous conduire. Assis, vous fermez les yeux et les images que suscitent leurs musiques défilent.
Ces quatre là n’ont plus rien à prouver. Leur maturité s’allie avec le plaisir de la découverte, de partir vers des territoires pas très connus, pour, une fois encore, éprouver la joie de créer en commun.
Nicolas Béniès.
« For Travellers Only », Sébastien Texier & Christophe Marguet, Cristal Records distribué par Sony Music
Jeux de pieds pour un battement d’aile
Olivier Hutman, pianiste, Marc Bertaux, bassiste électrique et Tony Rabeson, batterie, ont fait naître leur trio dans les années 1980. Ils donnent pourtant l’impression de s’être quittés la veille. Comme si se retrouver répondait à une nécessité qui les dépasse. « Beatgames » ont-ils titré l’album, pour dire qu’ils jouent sur les rythmes tout en se référant à la Beat Generation mêlant jazz, poésie, littérature et leur vie même et, peut-être, à une génération perdue du côté du libéralisme triomphant de ces années 1980.
Ils n’ont rien oublié. Les compositions en témoignent comme « Doris », de la plume de Tony en mémoire de Josée et Jeanot Rabeson ou « The Ahava Raba Step » en souvenir d’un groupe conduit par Olivier, Klezmernova, plus largement ils se réfèrent à toutes les mémoires du jazz. Ils construisent ainsi une sorte de synthèse continuellement contestée par le trio lui-même pour apporter la touche de nouveauté qui réduit à néant la nostalgie meurtrière.
Du passé, il n’est pas possible de faire table rase, mais il faut se servir de cette tradition pour créer.
Nicolas Béniès.
« Beatgames », Olivier Hutman, Marc Bertaux, Tony Rabeson, Cristal Records distribué par Sony Music
Souvenirs du présent
Quelle mouche a donc piqué Wendy Lee Taylor pour lui donner l’idée de rendre hommage à Fred Astaire ? Elle a même rechaussé les claquettes pour parfaire le « tribute » comme disent les Américains. Un retour aux sources dit-elle dans les notes de pochette, des sources de « standards », d’éclats de culture, que Fred Astaire avait su faire vivre en même temps qu’il imposait une sorte de légèreté possible seulement dans les rêves.
« Remembering Fred Astaire », un titre qui s’imposait, dans lequel elle mêle, comme pour ces deux albums précédents, paroles françaises – d’Eddy Marnay pour « Isn’t this a lovely day » ne sont pas très connues – et américaines. Elle s’est entourée de Philippe Petit au piano et aux arrangements – il quitte poour un temps l’orgue Hammond – pour évoquer Fred Astaire et laissé le champ libre à Wendy pour lui permettre de laisser libre cours à sa sensibilité, de Pierre Maingourd à la contrebasse et de Eric Dervieu à la batterie plus un invité, Hervé Meschinet à la flûte sur une plage.
Une re-création intelligente.
Nicolas Béniès
« Remembering Fred Astaire », Wendy Lee Taylor Quartet, en vente sur le site de la chanteuse wendyleetaylor.com, sur la plateforme CD Baby
La version digitale est disponible sur toutes les plateformes habituelles.