Le fil à couper le jazz
Cet automne est nonchalant sinon fainéant. Il rechigne à se montrer préférant se faire brûler la politesse par un soleil qui vient de l’été pour des journées que la chaleur rend maladives. Le calendrier se trouve confronté à des embûches nouvelles et ne sait trop comment s’affirmer. Ce temps – qu’il fait – est révélateur de l’ambiance. Personne ne sait où il se trouve ni comment il s’appelle !
Pour les festivals de jazz, il en va de même. Ils ne sont plus réservés à la période estivale. La concurrence était trop rude. Il fallait contourner l’obstacle. Boris Vian disait justement pour aller dans le mur prenons plutôt un hélicoptère.
Ils ont donc investi l’automne. Un moyen aussi de faire jouer des musiciens intermittents du spectacle qui ont besoin de se produire pour bénéficier de ce système en train d’être remis en cause, celui des allocations chômage. Ils et elles ont d’ailleurs bien conscience que le patronat et le gouvernement se servent d’eux pour restructurer l’ensemble de pôle emploi.
« Jazz au fil de l’Oise » fête sa 19e édition. Il irradie sur tout le département du Val d’Oise, de Auvers-sur-Oise à Vauréal, avec comme partenaire principal la Communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise et des théâtres pour accueillir des « vedettes » du jazz. Gregory Porter, vocaliste qui fait un malheur et qu’il faut aller entendre, réellement une grande voix, fait partie de cette petite cohorte de jazzmen qui arrivent à vendre des disques. Il ne faudrait pas rater la rencontre du saxophoniste ténor Joe Lovano, un condensé du jazz actuel avec le trompettiste superbe d’élégance et de mémoire, Dave Douglas ni celle de Michel Portal et Bojan Z., deux vieux amis au demeurant ou Terrasson/Belmondo.
Beaucoup d’autres concerts sont prévus, dont celui du duo dont tout le monde parle Peirani/Parisien, soit accordéon et saxophone (surtout soprano), une bizarrerie qui implique de découvrir ce curieux instrument, l’accordéon et ses rapports compliqués avec le jazz. Il ne faudrait pas non plus que les louanges viennent à tourner la tête de ces deux jeunes gens qui doivent encore faire leurs preuves. Il faut aller juger par soi-même ou écouter leur album ACT (distribué par Harmonia Mundi), « Belle époque ».
Daniel Mille est un autre accordéoniste qui, même s’il fait moins de bruit médiatique – un buzz réservé aux membres de ce club fermé des jazzfans -, en est l’un des grands virtuoses. Il faut prendre le temps de l’entendre.
Yaron Herman, pianiste israélien, sera aussi de cette fête comme Tigran Hamasyan, autre pianiste tellement virtuose qu’il oublie qu’il n’est pas qu’une machine mais aussi un être humain ou encore Shai Maestro, pianiste lui aussi nouvellement arrivé sur la scène du jazz. Avec un nom comme le sien, il est obligé de briller…
Une nouvelle vocaliste de 46 ans sera aussi présente, Lisa Simone, la fille de Nina. Elle affirme sa filiation sans avoir la présence de sa mère. Je ne sais pas si c’est une bonne idée d’avoir repris le pseudo de maman sauf pour les hommes marketing qui vendent ainsi la chanteuse. Son monde n’a pas grand chose à voir avec celui de Nina Simone. Il faudra la juger avec d’autres critères que la référence maternelle.
Je m’en voudrai de passer sous silence le concert de Jean-Jacques Milteau, joueur d’harmonica, qui sait tout du blues et fait partager sa passion avec sérieux mais sans esprit de sérieux ou celui du clarinettiste basse Thomas Savy.
Les « musiques cousines » seront aussi présentes pour donner la touche actuelle de ces festivals. Il faut citer Yom et sa musique klezmer ou Dhafer Youssef…
Ce festival se conclura à L’apostrophe (Cergy-Pontoise) pour une « 7e nuit du jazz » les 13 et 14 décembre réunissant le trio du pianiste Pierre de Bethman – Sylvain Romano contrebasse et le trop rare Tony Rabeson à la batterie -, Grégory Porter et le duo Vincent Peirani/Emile Parisien en guise de conclusion.
Nicolas Béniès
« Jazz au fil de l’Oise », du 7 novembre au 14 décembre, rens. 01 34 48 45 03 www.jafo95.com