L’avenir du syndicalisme dans le basculement d’un monde.
Comment appréhender ce monde capitaliste en mutation ? Comment construire le syndicalisme du 21e siècle ? Deux ouvrages récents permettent de construire des réponses à ces questions fondamentales, « Trente ans de vie économique et sociale », ouvrage collectif de l’INSEE et « Nouveau siècle, Nouveau Syndicalisme », sous la direction de Dominique Mezzi, Syllepse.
Le syndicalisme en France et plus généralement dans tous les pays capitalistes développés est confronté à une nouveauté, l’asyndicalisation après la désyndicalisation qui commence fortement dans les années 1990. C’est le résultat de transformations profondes qui affectent le capitalisme depuis les années 1980. La victoire de l’idéologie libérale à permis la construction d’une nouvelle forme de capitalisme, d’un régime d’accumulation à dominante financière comme réponse à l’entrée dans une nouvelle période en 1974-75. Dans le même mouvement, le recul du collectif et la montée de l’individualisme s’est imposé.
L’INSEE dessine les contours de cette configuration. Une faible croissance tirée par la consommation des ménages, un chômage de masse, des inégalités croissantes, une population active en augmentation, plus féminisée et plus diplômée qui s’étend au secteur de l’agriculture devenue le lieu d’entreprises capitalistes, des politiques étatiques et d’entreprise centrées sur la hausse du profit dans la valeur ajoutée pour lutter contre la baisse de la profitabilité, un marché du travail plus flexible avec une augmentation continue de la précarité, une intensification du travail dans un contexte de recul des investissements productifs, une place prépondérante de la sphère financière avec son cortège de raisonnements mathématifiés à court terme construisent, à partir des années 90, ce nouvel environnement. Le syndicalisme résiste mais ne réussit à se redéfinir. Certaines confédérations essaient de se situer à la marge pour se trouver une place dans la défense strictement individuelle des salarié(e)s.
Le mouvement de désindustrialisation qui touche tous les pays développés à la seule exception de l’Allemagne unifiée se traduit aussi par la déstructuration des « bastions » ouvriers comme Renault ou Peugeot. Ces grandes unités de production permettaient de donner un visage, une réalité à la classe ouvrière dans les combats collectifs. Cet éclatement des lieux de production pose de nouvelles questions au syndicalisme.
Cette forme de capitalisme à dominante financière entre en crise en août 2007. la crise financière marque le début de la fin de régime d’accumulation. La preuve apportée par l’INSEE : la récession profonde de 2008-2009 ne se traduit par une reprise importante contrairement à la théorie des cycles courts qui professe qu’à une récession profonde suit une reprise de même amplitude. La croissance zéro qui domine indique l’épuisement de cette forme et son incapacité à créer des richesses. Un bilan de faillite.
Cette crise qu’il faut qualifier de systémique n’est pas seulement financière et économique. Elle est aussi sociale, politique, culturelle et elle pose la question de la définition d’une nouvelle civilisation, d’un autre monde. Le syndicalisme saura-t-il se saisir de cette nouvelle donne pour se métamorphoser une fois encore et retrouver un nouveau rôle pour imposer des changements sociaux permettant de défendre les intérêts collectifs et individuels des salarié(e)s ?
Nicolas BENIES
Livres sous revue : « Trente ans de vie économique et sociale », INSEE références ; « Nouveau siècle, nouveau syndicalisme », cahiers de l’émancipation/Syllepse.