La littérature se diversifie, lorgne vers le polar ou la science fiction lesquels affichent leur ambition d’être une des branche d’icelle. Le présent de l’édition donne quelques exemples.
Du côté de la Série noire (Gallimard)
Deux thèmes dans l’air du temps.
Jacques Moulins, dans « Retour à Berlin », traite du piratage informatique et du terrorisme d’extrême droite. Descriptions réalistes et intrigues semblent tout droit sortis des dossiers de la police. Le danger est réel. L’actualité la plus récente fournit une raison supplémentaire de lire ce roman, nourri d’informations. longtemps l’idéologie dominante des ministres de l’intérieur ont voulu faire croire au mythe du terrorisme d’extrême gauche, la sous ministre Vidal, pourtant de l’éducation supérieur, parlant même d’islamo-gauchisme pour s’apercevoir que la menace la plus importante venait de l’extrême droite. Ce roman est aussi un cri d’alarme en même temps qu’un vrai polar.
Marin Ledun, quant à lui, s’est fait une spécialité de raconter les assassinats légaux de nos sociétés sous forme de farce. Le propos n’en est pas moins virulent. « Leur âme au diable », met en scène l’industrie du tabac responsable de millions de mort. Le dernier avatar de sa propagande : faire croire que fumer permet d’échapper à la pandémie, au Covid 19, rien de moins. Elle paie des spécialistes, des « experts » pour continuer à tuer impunément. Marin Ledun sait remettre les idées à leur place et le diable à la sienne. Il ne faut pas s’y tromper, derrière l’ironie, le rire c’est une intrigue complexe et riche de potentialités. De la belle ouvrage. Un peu trop ambitieux quelque fois mais toujours réjouissant. Le lire est de salubrité publique. Un cadeau inestimable.
Science-fiction
Du côté de Exofictions (Actes Sud)
Une collection de référence pour toustes les amateurs du genre. Elle mélange allégrement toutes les ramifications. Ainsi « Quality Land » de Marc-Uwe Kling (traduit de l’allemand par Juliette Auber-Affholder) nous projette dans un monde barbare dans lequel les algorithmes dominent. Un futur proche si l’on en croit les progrès des blockchains et autres outils qui se séparent de plus en plus de l’intervention humaine. Une déshumanisation programmée ? Le capitalisme à dominante financière, le nôtre, agit comme un système abstrait, incapable de se réformer, de se transformer. Les règles informatisées s’appliquent durement sans responsabilité visible. Coupable certes mais pas responsable. Un joli coup. Un roman vrai.
Mohammed Rabie veut décrire Le Caire, sa ville, en 2025 pour tenter de raconter l’histoire récente à la fois des révolutions arabes, de la répression et des espoirs. « Trois saisons en enfer » (traduit de l’arabe par Frédéric Lagrange) envisage l’invasion de la ville par un ennemi non identifié. Il se permet ainsi de faire jouer les mémoires récentes et plus anciennes de l’Égypte. La science fiction se fait souvent politique. C’est le cas ici. Il faut découvrir la ville telle que l’auteur la voit et telle qu’elle pourrait être demain. Comment, face à cet ennemi, ne pas penser à la pandémie actuelle et à l’abandon par les puissances occidentales des pays du continent africain ?
Nicolas Béniès.