Ceci est une chanson d’amour.
Maurizio De Giovanni habite son commissaire, Ricciardi aux yeux verts étranges et au comportement qui l’est plus encore, et sa ville, Naples avec ses baisers de feu bien connus. Le fil conducteur est une initiation à la manière de jouer, de la mandoline bien entendu, pour accompagner une chanson d’amour et de désespoir rempli d’espérances, pour faire partager ces sentiments contradictoires face à l’être aimé.e. « Tu vas me faire souffrir mais comment t’échapper ? »
1936 sert d’arrière fond à l’enquête, surréaliste dont est chargée – dans tous les sens de ce terme et plus encore – le commissaire par une noble désargentée qui ne croit pas à la culpabilité de son mari. Il a pourtant perdu toutes leurs fortunes au jeu. Sous le fascisme, le danger est à chaque pas qu’il soit faux ou pas, surtout lorsque l’amour déçu s’en mêle comme la jalousie qui peut conduire à l’intervention des services secrets. La délation – l’accusation, ici, d’homosexualité – peut conduire à l’exil dans une île ou purement et simplement à la mort. Le dénouement est un pied de nez à l’histoire et au fascisme italien. Un grand rire libérateur. Le rire fait partie de la panoplie déployée par l’auteur.
La chanson suit les personnages, leur apportant une aura poétique que la répression arbitraire fait voler en éclats. Il est question de phalènes qu’il faut chasser pour qu’ils ne se brûlent pas en s’approchant de la flamme de la bougie. Aimer sans savoir si on est aimé est une brûlure plus intense encore, l’éviter n’est pas possible. « Des phalènes pour le commissionnaire Ricciardi » construit un monde spécifique, Naples en septembre semble être une féerie et une tragédie mêlées sinon emmêlées tandis que les forces de l’inconscient – du rêve – semblent plus puissantes que la volonté humaine pour raconter des fantaisies.
Suivez la chanson et vous entrez directement dans un univers curieux, fantastique qui n’oublie rien du réel, celui de Maurizio de Giovanni. Il vous prendra par la main et ne vous lâchera pas, bien au-delà de la dernière ligne.
Nicolas Béniès
« Des phalènes pour le commissaire Ricciardi », Mauricio de Giovanni, traduit par Odile Rousseau, Rivages/Noir, 395 pages, Paris, 2020