Bonjour,
Crest Jazz vocal fête cette année son quarantième anniversaire. Une date. Crest ? La question m’est posée tous les ans comme si cette ville de la Drôme – est-ce à cause de son député-maire ? – ne restait pas imprimée dans les esprits d’une année sur l’autre. Bizarre non ? Pourtant, depuis plus de 10 ans, j’annonce ce festival dans toutes les publications auxquelles je collabore à commencer par l’US Mag – supplément festivals – et la Revue de l’École Émancipée. Rien ne semble y faire.
Je fête moi aussi un anniversaire cette année. 10 ans que je donne des conférences dans le cadre du festival. Plusieurs cycles se sont succédés. « Le jazz et la France, une histoire d’amour » dans un premier temps avec, lors de la conférence sur Django, un couple avec enfants d’Allemands qui voulaient voir et entendre… Django Reinhardt ! Personne n’a osé leur dire qu’il était mort, à 43 ans, en 1953. On ne sait jamais. L’annonce brutale de la mort du génie de la guitare de jazz aurait pu les traumatiser. Ensuite « Les femmes du jazz » ont permis à un public qui les ignorait de découvrir la face cachée du jazz pour se réapproprier la partie du patrimoine oublié. Il n’était pas – le public – responsable. Mis à part les vocalistes, les femmes n’attirent pas l’attention. Pas seulement dans le jazz bien sur. c’est un phénomène de société. Certaines peuvent être très connues, adulées de leur vivant, une fois mortes elles disparaissent purement et simplement des anthologies ou ne sont pas considérées à l’égal des hommes.
Elle n’était pas la seule dans son cas. Lee Server, dans sa biographie de Ava Gardner – qui porte ce titre, traduction française aux Presses de la Cité -, insiste aussi sur l’alcoolisme de la jeune femme, manière de se sortir du show biz et de l’ambiance des studios, sans compter le sexisme et le reste.
Billie fut aussi en butte au racisme en plus d’être une femme… Elle est tombée sur des truands qui la battaient. Elle semblait en avoir besoin comme résultat d’une enfance passée dans une sorte de « maison de correction », chez les « sœurs » – bonnes seraient sans doute trop dire. Un sentiment de culpabilité s’est développé expliquant ses choix étranges dans la gente masculine.
Le titre de Télérama – et je suis convaincu que Michel Contat auteur de l’article mais sans doute pas du titre serait d’accord – aurait dû être : « Billie, un génie de la musique », un titre à faire peur…
Pour les 10 ans de conférences, je fêterai à mon tour le centième anniversaire de la naissance de Billie (voir l’article que je lui ai consacré sur ce même blog)…
Comme à l’habitude ces conférences auront lieu à la médiathèque départementale de la Vallée de la Drôme, à Crest, place Soljenitsyne, du mercredi au vendredi, 15h30 à 16h30 et le samedi deux heures. Le mardi – voir ci-après pour le détail – un film « L’homme au bras d’or » d’Otto Preminger (1955) d’après un roman de Nelson Algren, plus connu en France comme l’amant américain de Simone de Beauvoir. Leur correspondance a été publiée en Folio (Gallimard) et le Nouvel Observateur – devenu L’Obs désormais – avait publié une photo de Simone à Chicago dans la tenue d’Eve, une nouvelle image de l’auteure du « Deuxième sexe ». De quoi susciter de nouveaux commentaires… Pour ce film, il faudra redonner à Nelson Algren toute sa place dans le renouveau littéraire de Chicago dans les années 50. La ville renaissait au sens strict après le traumatisme profonde de la crise de 1929. La grande ville industrielle et financière du Midwest avait été au cœur de la crise.
Ensuite, 40e oblige, j’ouvre un nouveau cycle sur « Les villes du jazz », villes qui déterminent un jargon, un environnement. Longtemps, les villes américaines, les quartiers, les « endroits » – comme le Texas par exemple qui avait son accent – se sont définis par leur manière de parler. Certaines ville étaient marquées de l’empreinte des migrations venues du Nord de l’Europe, d’autres par celui des « WASP », d’autres encore – parmi les communautés rejetées – par la Sicile ou le sud de l’Italie, sans parler de l’immigration juive d’Europe de l’est et cet accent yiddish qui perdura, ni des Africains-Américains comme il faut dire désormais. Obama, à propos des émeutes récentes et des crimes commis par les policiers blancs ou des tenants de la « suprématie blanche », a osé prononcé le terme banni « Nigger » qui ne connaît pas d’équivalent en français. La traduction, Nègre, est la même que pour « Negro ». Or la charge symbolique, un terme n’a pas véritablement de synonyme, est énorme. « Nigger » est une insulte.La première ville est la 3e ville, par sa population, des États-Unis, Chicago et la première grande ville américaine – il faut mettre New York, tant cette Ville-Monde n’est pas seulement américaine, de côté. J’ai déjà écrit une introduction que vous pouvez trouver sur ce blog.
Il faut dire, presque en forme d’introduction, que les Obama sont omniprésents. Les restaurants indiquent que « ici a mangé Barak ou Michelle ou les deux », les lieux de leur première rencontre – plusieurs peuvent être répertoriés -, peut-être, je n’ai pas vérifié, leur premier baiser… Michelle a été « travailleuse sociale » dans cette ville, Barak aussi semble-t-il. C’est comme ça que Sarah Paretsky – voir plus loin – a rencontré Barak et est devenu, un temps, son agent(e) électoral(e). Elle aussi a été travailleuse sociale. Le mardi, comme à l’habitude, ce sera un film. « L’homme au bras d’or », de Otto Preminger inspiré d’un roman de Nelson Algren qui porte le même titre.
Mercredi commencera donc par Billie Holiday
Jeudi par l’évocation de Chicago, la sociologie, l’architecture font partie des grandes affiches de la Ville. Sans oublier le blues. Big Bill Broonzy fera partie des grands initiateurs dans la lignée de Robert Johnson qui unifié les blues existants avant les années 1936-37 moment où il enregistre toute son œuvre. Il trouvera la mort dans l’année qui suivra. Il disait avoir dîné avec le diable qui lui aurait donné la capacité de séduire les femmes et de jouer de la guitare, manière d’abolir la réalité mais aussi d’inverser la donne du monde des Blancs en faisant du diable un personnage sympathique. Dans les années d’après seconde guerre mondiale Chicago sera la ville où naîtra le blues électrique avec Muddy Waters en particulier.
Il faut dire que cette ville possède deux ghettos – qui se déplacent dans le temps et dans l’espace en fonction des nouvelles migrations -, l’un pour les nouveaux arrivants, l’autre pour les anciens. Les clubs de blues et de jazz ont proliféré. Moins aujourd’hui. Les clubs ferment comme partout. Il reste le « Buddy Guy Legend » – Buddy Guy l’un des grands bluesmen de ce temps -, situé dans le quartier « qui craint » sans que cette légende soit confirmée par mon expérience personnelle. Il accueille beaucoup d’étudianbts blancs et de chanteuses de blues blanche. Signe des temps sans doute. « House of blues » est l’autre grand club de blues. Au moment où j’y étais, c’était plutôt le hard rock qui dominait. L’intérieur est superbe avec des tables incrustées de bouchons de bouteilles de bière…
Les clubs de jazz sont encore nombreux mais disséminés.
Il faut dire que cette ville donne l’impression de vivre sur trois étages. Les routes se superposant.
Les gratte ciels sont imposants et le Chicago Mercantile Exchange comme les buildings des banques font peur. Sans doute pour décourager les cambrioleurs…
C’est une ville « noire ». Cette population a su très tôt s’organiser et élire rapidement un maire noir. Il faut dire aussi que c’est à Chicago que les premiers syndicats ouvriers ont été créés. Les Hobos – travailleurs itinérants des chemins de fer et Chicago est un nœud ferroviaire – ont su très tôt trouver des structures collectives pour se défendre, s’informer et se former.
Les gangs, contrairement à une idée reçue, n’ont pas existé seulement à Chicago même si les agences de voyages proposent de faire le tour des quartiers des gangs. Les quartiers anciennement italiens.
L’auteure récente la plus importante, Sarah Paretsky a su imposer une privée Vic Warshawski. Sarah Paretsky, auteur de polar, créatrice d’une détective privée, a une place à part dans l’histoire des femmes et du polar. Elle a été la première à s’imposer. Elle sait, comme personne décrire sa ville. Si vous voulez connaître Chicago il faut lire cette auteure. Traduite en français au Seuil.
Vendredi par les vocalistes. Chicago en connaîtra des sublimes à commencer par Dinah Washington, surnommée « Queen of the blues », Ruth Jones pour l’état civil. Elle avait commencé à enregistrer aux côtés de Lionel Hampton en 1943.
et samedi, en forme d’apothéose, sur le jazz moderne. Mais pas forcément post moderne…
A vous voir, si vous passez par là.
Nicolas BENIES.
Jean-Baptiste Point du Sable, Haïtien, homme libre l’un des fondateurs de la ville.