« La science de la richesse », une réflexion sur les outils de l’économie
Renouer les fils de la théorie pour comprendre et agir.
Jacques Mistral, avec La science de la richesse qui se veut « Essai sur la construction de la pensée économique », poursuit un but qui se démultiplie. D’abord faire pièce au néolibéralisme, à « la fable des marchés efficients », à cette « confiance presque absolue dans les mécanismes du marché » – il faudrait même parler de croyance -, à cette idéologie qui s’est imposée aux débuts des années 1980 avec son cortège d’« horreurs économiques ». Fable, en conséquence, d’une « science économique » qui, à l’image de la physique, pourrait se passer de toute intervention de l’Etat et même de l’Etat. Une charge menée à l’aide de toute l’histoire de la pensée économique pour démontrer que, dés les mercantilistes et plus encore chez Smith et Ricardo, seule a droit de cité l’économie politique.
Mistral propose, « pour renouer avec l’économie politique », une synthèse de cette pensée économique en mouvement, qu’il prend soin de relier d’une part au contexte historique, d’autre part à l’histoire des idées philosophiques. Il décrit la place spécifique de Marx comme « critique de l’économie politique », interrogeant les théorisations précédentes et celles à venir, tout en insistant sur les difficultés ou manques.
Le livre nécessaire à tous les étudiant e s qui voudraient prendre connaissance de cette discipline pour en cerner les outils conceptuels et les méthodes d’analyse. Pour ouvrir le champ des interrogations sur les formes de la valeur et de la richesse en construisant de nouveaux outils adaptés à la réalité du capitalisme.
Rompre avec le néolibéralisme permet de libérer la pensée, de faire vivre le débat et de refonder le modèle social et la démocratie.
Nicolas Béniès.
« La science de la richesse ». Essai sur la construction de la pensée économique », Jacques Mistral, Gallimard/Bibliothèque des sciences humaines.
A propos de la citoyenneté
Jacques Mistral insiste sur la « tension entre les deux procès contradictoires de socialisation et d’individualisation que l’ère du néolibéralisme pousse à son paroxysme ». C’est le propos, en termes plus philosophiques, de Barbara Stiegler dans « Il faut s’adapter, sur un nouvel impératif politique ». Une controverse de deux agitateurs d’idées américains, Walter Lippman et John Dewey, dans les années 1920-30 lui permet d’aborder les conditions du changement et des formes de la démocratie. Les masses sont-elles conservatrices en voulant à tout prix conserver la stabilité de l’état social ? La réponse de Lippman est positive et seul un gouvernement d’experts peut changer la donne même s’il doit l’imposer. Celle de Dewey est quasi à l’inverse. Le gouvernement conserve les intérêts des plus riches et seule la créativité citoyenne est à même d’innover. Un débat actuel ! Les démonstrations s’articulent autour de la théorie de l’évolution de Darwin, sur l’analyse de la crise des années 1930 et sur les registres politiques, sociologiques et philosophiques divers incluant une critique de Michel Foucault de sa critique du néolibéralisme. Stimulant même si de temps en temps le lecteur est perdu dans trop de considérations.
N.B.
« Il faut s’adapter », Barbara Stiegler, NRF Essais, Gallimard.