Les curiosités du système judiciaire américain.

Polar et revendications des Africains-Américains

Attica Locke a choisi le roman pour exprimer la réalité de la société américaine d’aujourd’hui qui a permis à Donald Trump de remporter l’élection présidentielle en 2016 alors que lui-même se donnait perdant. Les déchirements, les éclatements, le racisme via des groupes fascistes qui reprennent vie comme les « suprématistes » de la race blanche. Les « bavures » assassines des policiers dans les villes américaines ont donné naissance à des nouveaux mouvements profonds de révolte nourris des « tweets » de Trump qui blessent toutes les sensibilités et légitiment toutes les violences des extrêmes droites.
« Black Lives Matter »  est le nom d’un regroupement d’Africains-Américains qui veut lutter contre le racisme et toutes les formes d’exclusion. Il marque « Le renouveau de la révolte noire aux Etats-Unis », comme le sous titre la traduction française (de Célia Izoard) du livre de Keeanga-Yamahtta Taylor qui porte ce titre. Elle en explique la forme – un peu chewing-gum comme beaucoup de mouvements qui naissent dans le monde actuel – et les objectifs qui ne réduisent pas au combat anti-raciste. Il participe d’un renouveau des luttes pour les droits civiques, pour les droits des femmes et contre toutes les inégalités dans une perspective qui se voudrait anticapitaliste. La gauche renaît aux États-Unis sous les coups de butoir de la crise systémique et au « radicalisme » de Trump. L’avenir s’ouvre.
Ta-Nehisi Coates, de son côté, fait « Le procès de l’Amérique », une charge argumentée contre le racisme, l’exclusion qui en découle et l’approfondissement de s inégalités qui atteint d’abord la population africaine-américaine. Il réclame des dommages et intérêts pour ces 4 siècles d’oppression – on considère que les premiers déportés d’Afrique ont débarqué à Jamestown en 1615.
Ce contexte est important à rappeler. Il permet de comprendre ce polar écrit en 2015. Barak Obama, comme l’écrit Coates, n’est pas un exemple mais une exception. Il ne représente pas les capacités d’intégration de cette société. Au-delà, on peut penser que l’accession à la présidence de Obama est une manière de « blanchir » le Noir même si l’extrême droite et Trump se sont déchaînés contre lui. Sous ses deux mandats les inégalités ont continué de progresser comme les violences policières.
Attica Locke raconte une histoire d’un quartier noir de Huston – Texas -, « Pleasantville » avec ses notables qui régentent la vie de tous les habitants issus pour l’essentiel de la classe moyenne africaine-américaine. En 1996, Axel Hathorne, ancien chef de la police, se présente à la mairie de Houston. Fils du chef – non élu mais néanmoins réel – de Pleasantville, il est le premier Africain-Américain à oser se présenter à la municipalité. Face à lui, l’actuelle district attorney – la procureure générale – Sandy Wolcott qui, sans le dire explicitement et tout le talent de Locke est là, dans le sous-entendu raciste. Les sondages sont favorables à Axel jusqu’à la mise en accusation de son neveu et directeur de campagne. Le père du jeune homme, rejeté apr son propre père, donnera une des clés de cette histoire à multiples entrées.
Jay Porter, avocat qui vient de perdre son épouse et s’occupe comme il le peut de ses deux enfants. Il sert à l’auteure de fil conducteur et de révélateur. Il découvrira le meurtrier des trois jeunes femmes assassinées et les turpitudes du père d’Axel, ses associations étranges avec les responsables, des grandes entreprises du pétrole bien évidemment, de la pollution de Pleasantville.
Le district attorney, en campagne, accuse donc le directeur de campagne de son rival et le traîne au tribunal sans véritable preuve de sa culpabilité. Dans une campagne – on l’a bien vu avec Trump – tous les coups sont permis. Curiosité de ce système pénal où le procureur peut faire un procès avant même une enquête sérieuse de la police.
Attica Locke décrit le procès sans emphase, le racisme comme toile de fonds, les manœuvres pour conserver le pouvoir et ses conséquences sur les individus.
Un polar comme ils doivent être : pénétrés de la révolte contre toutes les injustices.
Nicolas Béniès.
« Pleasantville », Attica Locke, Série Noire/Gallimard
« Black Lives Matter », Keeanga-Yamathtta Taylor, traduit par Célia Izoard, Agonne éditions ; « Le procès de l’Amérique. Plaidoyer pour une réparation », Ta-Nehisi Coates, Autrement.