Culture, vous avez dit crédit ?

La culture en danger

Les grandes vacances sont une période de latence. La liberté de l’esprit permise par la rupture avec le travail contraint ouvre de nouveaux horizons. C’est le moment de se ressourcer, de se retrouver en lisant, en écoutant de la musique, en allant au théâtre… Les festivals sont durablement associés à cette période, même si, et ce depuis quelques années, ils débordent largement la période pour s’installer dans le paysage culturel de toute l’année. Les bénévoles qui s’en occupent – beaucoup de retraité(e)s – sont des passionné(e)s qui font vivre la culture. Sur le strict terrain économique, ces associations permettent de faire baisser le coût de revient de ces animations. Ils et elles jouent un rôle essentiel non reconnu. Le jour où ces associations disparaissent, le festival meurt le plus souvent.

Il est de nouveau question de « l’exception culturelle » à propos du futur accord de libre échange Union Européenne/Etats-Unis, pour l’audiovisuel. Le gouvernement français veut, brandissant la « diversité culturelle » – qui a remplacé l’exception, ce que les média, pour la plupart, ont l’air d’ignorer -, enlever ce secteur des négociations. Le débat fait rage entre les gouvernements. Un compromis devrait intervenir. Pourtant, il est nécessaire de réaffirmer que la culture doit nécessairement sortir du marché, qu’elle ne peut pas être une marchandise. Faute de quoi, la création ne peut que disparaître au profit de « savonnettes ».

Le discours du gouvernement français se heurte à la réalité de la politique culturelle, parent pauvre des interventions des pouvoirs publics. Aurélie Filippetti l’avoue à sa manière : « Si vous croyez que ça me fait plaisir de baisser les subventions… »1 Les collectivités territoriales, lorsqu’elles cherchent à faire des coupes claires s’attaquent aux crédits de la culture. Dans le même mouvement, le régime de chômage des intermittents s’est tellement complexifié que personne n’y comprend goutte. Le Medef continue de demander sa suppression sous prétexte qu’il coûte cher. L’impératif dénué de toute scientificité de la baisse des dépenses publiques menace les spectacles vivants. Notre patrimoine – une autre définition de la culture – est entamé et, surtout, la capacité de faire surgir des œuvres d’art, soit une nouvelle manière de voir le monde, est obéré par ce raisonnement comptable qui ne prend en compte ni l’éthique ni même l’économique débarrassée de ses dogmes du libéralisme, un libéralisme liberticide.

Des festivals disparaissent, d’autres arrivent à naître, d’autres encore – plus nombreux – enregistrent une baisse des subventions, d’autres ont une obligation de réussite pour valoriser l’image des partenaires. Le tout donne une image très sage. Il ne faut pas heurter, faire confiance aux valeurs sures pour limiter le risque d’échec. Ce manque d’appétence pour les découvertes, pour les jeunes talents est en train de faire mourir toute force de créativité.

Il faut aussi se mobiliser pour éviter à la culture la sort d’une privatisation dont les effets seraient déstructurants pour toute société et rendraient caduques tous les discours sur la priorité à la formation. Sans culture, une société est sans passé et sans avenir. Elle ne peut que s’agiter sur le court terme…

Nicolas Béniès.

1 Interview à Libération du 5 juin 2013.

Article publié dans le n° 42 de la revue de l’École Émancipée (juillet 2013)