Le coin du polar
David S. Khara avait commencé par « Le projet Bleiberg » pour présenter ses personnages, Eytan Morg en particulier, rescapé des camps de la mort et issu des recherches des docteurs nazis voulant composer une race « pure ». Lui, le Juif, est devenu blond. Une honte. Il résiste à tout. Il transporte surtout une grande partie de l’Histoire dont il est le dépositaire. « Le projet Shiro » prend la suite, en changeant de pays, direction le Japon et les recherches folles autour des armes de destruction massive via les armes chimiques. L’écriture s’est affirmée, le héros n’est plus totalement intouchable. Un peu d’humanité s’est glissée entre les ennemis du premier opus, soit hier. Un mélange subtil entre les mondes d’hier et celui d’aujourd’hui. Quand le passé sert à éclairer notre barbare présent. On attend le troisième avec impatience et un peu d’inquiétude.
Ake Edwardson en avait fini, avait-il dit, avec son double, commissaire de police à Göteborg. Mais Erik Winter est de retour. Un retour passager. Pour une enquête, un soir de Noël d’enlèvement d’enfants et de violentes agressions sur des étudiants. Une prière sert de titre, « Le ciel se trouve sur terre » et le tout se termine mal et bien, pour faire de Noël la plus angoissante des fêtes. Un pessimisme total, une écriture resserrée et des anti héros qui ont du mal à trouver le sommeil… quelque chose de pourri au royaume de Suède ?
Un autre grand auteur, James Sallis. A chaque fois, l’errance dans la Nouvelle-Orléans, dans la littérature mondiale (passe l’ombre de Queneau), dans la tête du Noir détective Lew Griffith – blessé, momentanément aveugle, il entend comme jamais -, nous prend et ne nous lâche plus jusqu’à la dernière page où rien ne se résout, mais rien ne peut se résoudre. Personne n’a les clés. Les divisions raciales, sociales de l’Amérique sont la trame de cette « enquête ». Ce « Bluebottle » restera ancré dans votre mémoire.
Joseph Bialot vient juste de nous quitter, le 25 novembre 2012. Jusqu’au bout il a voulu écrire, lui qui se disait à bac moins 10. Il fait pourtant la preuve que l’Histoire ne lui était pas étrangère. Dans son dernier opus paru, « Le puits de Moïse est achevé », il nous promène dans les territoires de Philippe Le Bel, ses démêlés avec le Pape, sa volonté de piller les Templiers comme il l’a fait avec les Juifs et les banquiers florentins. Il donne une très grande place aux Compagnons, futurs francs-maçons. Dante Alighieri est partie prenante de ces intrigues. Un conteur hors pair. Il vit et vivra au travers de ses livres…
Nicolas Béniès.
« Le projet Shiro », David S. Khara, 10/18 ; « Le ciel se trouve sur la terre », Ake Edwardson, 10/18 ; « Bluebottle » », James Sallis, Folio policier ; « Le puits de Moïse est achevé », Joseph Bialot, Rivages/Noir.