Vider vos poches (3), Noir c’est Noir


Un auteur disparu, Ed Lacy

Leonard Zinberg (1911-1968) a publié sous son nom quatre romans et plusieurs nouvelles. Juif marié à une Noire et père adoptif d’une enfant Noir, il allait aggraver son cas en devenant Communiste et en faisant de son entourage les personnages principaux de ses romans. Il allait bien sur être rattrapé par le maccarthysme, « la chasse aux sorcières » des années d’après la seconde guerre mondiale qui allait se traduire par une profonde remise en cause des libertés démocratiques. On voit que la rhétorique de Trump a quelques antécédents. Blacklisté, comme beaucoup d’autres, Leonard ne devra son salut d’écrivain qu’aux romans noirs, sous le nom notamment de Ed Lacy.
Toutes ces informations sont extraites de la préface de Roger Martin qui permet de faire connaissance avec l’auteur, sacrifié – il n’est pas le seul – sur l’autel de la série noire dirigée par Marcel Duhamel qui cherchait à vendre pour assurer la survie de la collection tout en respectant le format des 120 pages, sacrifiant souvent les réflexions politiques des personnages comme la psychologie des personnages.

La couverture originale


La traduction nouvelle de Rager Martin, qui s’appuie tout de même sur les précédentes, fait découvrir au lecteur français un des auteurs du polar tout en dessinant le portrait de cette Amérique raciste et anti communiste. Ed Lacy construit un « privé » africain-américain en butte au rejet mais aussi au paternalisme de la bien pensante bourgeoisie qui ne s’aperçoit pas du racisme qu’elle transporte, dégoulinant de bonnes intentions. Un privé qui s’appelle Toussaint Marcus Moore ne pouvait qu’être le coupable tout trouvé d’un meurtre dont les racines remontent loin, du côté de Bingston dans l’Ohio où la population américaine vit dans ses quartiers.
Le titre trouvé par Roger Martin, qu’il explique, « Traquenoir », synthétise à la fois la traque, le complot et la désignation du Noir comme le responsable de tous les maux de la société américaine. A découvrir de toute urgence.
N.B.
« Traquenoir », Ed Lacy, traduit et préfacé par Roger Martin, 10/18