La littérature finlandaise de Kjell Westö

Thriller freudien.

Un romancier venu de Finlande au nom pas tout à fait imprononçable, Kjell Westö, au titre secret, « Casa Triton », pour un mélange de musiques, d’amitiés, d’amour, de mythologies personnelles et collectives, de confrontation d’univers avec, en toile de fond, les désastres écologiques, les migrations et tout le reste du quotidien d’une île.
Une présentation qui souffre d’un manque criant : l’écriture, le style, la manière dont l’auteur évoque tous ces problèmes à l’échelle humaine, à l’échelle des regrets de ces personnages qui ne savent comment absorber leur présent, emplis qu’ils sont de leur passé.
Nous sommes sur une île de l’archipel d’Helsinki – la capitale de ce pays étrange où l’on parle suédois tout autant que le finnois – dans laquelle Thomas Brander, chef d’orchestre devenu célèbre mais un peu sur le déclin, a fait construire une sorte de petit château qu’il appelle la casa triton, une quarte au nom étrange – trois qui tient dans quatre ou quatre dans trois – interdite dans la musique du Moyen-Âge, considérée comme la formule musicale du diable.
Il est absorbé par et dans une histoire d’amour qu’il ne veut pas voir terminée. Ses pensées tournent en rond perverties par la concurrence des jeunes chefs d’orchestre visiblement plus investis et doués que lui. Pour alimenter sa nostalgie et sa mélancolie, il écoute, travaille les partitions de Gustav Mahler qu’il joue avec des orchestres successifs, en des tournées sans doute épuisantes, sans la flamme qui fut la sienne. Il est taraudé par le mort de son demi frère aîné, Gustav et par son rapport au père et les mauvaises relations qu’il entretient avec son fils. Pas besoin d’être psychanalyste pour comprendre son attachement à Mahler.
Son voisin, un psychologue scolaire, Reinar Lindell, guitariste amateur, féru de jazz et de pop music, fait, avec son groupe, les beaux samedis soirs du café local. Lui aussi entretient des relations difficiles avec sa fille, avec son environnement sans parler des élèves dont il s’occupe.
Deux types de musique s’affrontent, deux caractères aussi, deux rêves d’un amour idéalisé. Il leur faudra crever les baudruches des rêves pour entrer de plein pied dans la réalité des amours vivantes. Et se trouver.
Passent aussi, dans ce microcosme de la société en général qu’est une île, les questions essentielles : l’accueil des migrants, leur insertion, la montée du fascisme chez les jeunes, les conséquences dramatiques du réchauffement climatique vues dans une sorte de génocide des oiseau et, last but not least, la place de la musique.
Kjell Westö réussit à nous intéresser à toutes les musiques qu’il décrit, avec les références nécessaires pour réaliser un thriller, sans assassins ni crimes, un thriller freudien pour ces deux hommes d’une cinquantaine d’années refusant dans un premier temps d’abandonner leur monde qu’ils connaissent bien même s’il n’est pas heureux. La sortie se fera, plus ou moins bien, par la confrontation avec la jeune génération. Un roman qu’il est difficile de lâcher avant la fin… qui ne peut constituer une fin.
Nicolas Béniès
« Casa Triton », Kjell Westö traduit du suédois par Anna Gibson, Éditions Autrement