Poulenc, le jazz et la suite
« Le tombeau de Poulenc », le titre de cet album interroge. La réponse se trouve dans les notes de pochette pour apprendre que « dans la période baroque, le tombeau était composé en hommage à un grand personnage ou un collègue musicien, aussi bien de son vivant qu’après sa mort(…) ». Il s’agit donc ici de faire revivre Poulenc non pas en interprétant ses œuvres mais en s’inspirant de son écoute pour composer des thèmes jamais joués. Jean-Christophe Cholet, pianiste, Alban Darche, saxophoniste et Mathias Rüegg, chef d’orchestre sans Vienna Art Orchestra se sont associés et unis, pour les deux premiers, leurs groupes pour réaliser cet ouvrage.
Le résultat est la construction d’une sorte de No man’s land, un endroit étrange qui doit autant à Stan Kenton qu’à Poulenc, au baroque – musique sans nom comme le jazz lui-même – avec ce qu’il faut de la pulsation du jazz que ni Stéphane Kérecki, contrebassiste ni Christophe Lavergne, batteur, n’ont garde d’oublier. Les deux pianos – Nathalie Darche vient ajouter le sien à celui de Cholet – donnent la touche étrange qui vient commenter, en pour ou en contre, soit la masse orchestrale soit les solistes qu’il faudrait tous et toutes cité-e-s. On dira que violon saxophones, flûte, trompette et trombone – Samuel Blaser -, tuba se mêlent, s’emmêlent se démènent pour donner vie à cette musique.
Deux éléments sont encore à noter. Le premier concerne Francis Poulenc. Après la Première Guerre Mondiale, il a fait partie de la « Bande des Six » initiée par Jean Cocteau, qui réunissait Germaine Taillefer – à qui il faudrait consacrer un « tombeau » -, Darius Milhaud, Arthur Honegger, Georges Auric, Louis Durey. Une « Bande » inspirée par la musique de Erik Satie et par le jazz, comme pour Debussy et Ravel. Comme un juste retour vers le futur.
Le deuxième porte sur l’homogénéité souvent déséquilibrée des deux groupes qui laissent ouvertes toutes les possibilités d’organisation différente pour perdre le public dans d’autres méandres et d’autres combinaisons. Gageons que les performances publiques pourraient réserver des surprises surtout avec des solistes comme Matthieu Donarier.
Nicolas Béniès.
« Le tombeau de Poulenc », Jean-Christophe Cholet, Alban Darche, Mathias Rüegg, Yolk Music, www.yolkrecords.com