La Corée du Sud comme il faut la voir grâce à ce faux vrai roman « Kim Jiyoung, née en 1982 » de Cho Nam-joo, une autrice à découvrir .
Dans un article qui date – le début des années 1980 -, le PDG de Sony, avouait que son arme économique secrète – secret economic weapon – était la surexploitation des femmes. Le Japon, disait-il, ne bénéficie pas de migrants, comme les anciens colonisateurs ou les États-Unis que l’on peut presser comme des citrons mais des femmes. Le Japon se trouvait au dernier rang de l’égalité salariale, la différence moyenne entre le salaire d’un homme et d’une femme était de 50%. En France, elle est autour de 27%… Aucun pays ne réalise l’égalité salariale.
La Corée du Sud se trouve dans la même fourchette avec des conditions de travail iniques. La journée de travail, comme en Chine, s’allonge démesurément, jusqu’à minuit pour rentrer chez soi par le dernier métro, lorsqu’on habite Séoul. Travail le dimanche, aucun jour de repos. Les femmes, serrées dans les traditions ancestrales – dont se sert le capitalisme -, travaillent autant que les hommes sans reconnaissances ni salariales ni de compétences sans parler de qualification et se chargent des tâches domestiques diverses tant à la maison que dans l’entreprise. Sans oublier le harcèlement, les mains baladeuses dans les transports surpeuplés et tellement d’autres choses indiquant l’asservissement des hommes incapables de vivre leur sexualité.
Cho Nam-joo, pour son premier roman, raconte l’histoire de « Kim Jiyoung, née en 1982 » – un grand succès dans son pays -, entre l’essai sociologique, le brûlot et la littérature poétique, pour dénoncer la situation faîte aux femmes. Elle frappe fort et juste. Elle incite au combat. Dans le même mouvement, elle montre la réalité de la société sud-coréenne qui repose sur le travail gratuit des femmes pour permettre la surexploitation des hommes. En général, les maris refusent de prendre conscience de la nécessité de lutter pour les revendications féministes qui leur donneraient la possibilité de se libérer des contraintes de l’entreprise. C’est aussi un gâchis d’intelligence. Les qualifications acquises par les femmes sont niées par leur statut de mère forcément au foyer.
L’autrice décrit les différentes étapes de la vie de Kim qu’elle inscrit dans les crises vécues par la Corée du Sud, notamment la grande crise de 1998 qui se traduira par une énorme récession, l’arrivée du FMI et de la privatisation des services publics comme le licenciement des fonctionnaires. Le pays en sera fondamentalement changé et les « classes moyennes » s’en trouveront prolétarisées.
Le dernier chapitre, « 2016 », est à lire avec attention. Kim se dédouble. Elle incarne d’autres femmes et parlent en leur nom, après son accouchement. Son mari la confie à un psychiatre plutôt progressiste et l’espoir meurt d’un changement réel à court terme.
Un livre réquisitoire d’une force à la hauteur du féminisme qu’il porte et de la nécessité de la lutte en commun.
Nicolas Béniès
« Kim Jiyoung, née en 1982 », Cho Nam-joo, 10/18
Mémoires perdues des « Peintres femmes, 1780-1830 », que le travail de Martine Lacas permet de retrouver, une plongée dans notre histoire.
La place des femmes dans les différentes disciplines artistiques, en particulier, ne devrait plus avoir besoin d’être démontrée. Pourtant les œuvres des femmes restent la face cachée de notre patrimoine. Le terme de « matrimoine » est quelque fois proposé pour commencer à combler ce vide organisé par les hommes et par les préjugés. A condition d’éviter de tomber dans le piège de la séparation. Il est fondamental pour conserver intact notre mémoire de comprendre que les œuvres, au féminin ou au masculin, ont une histoire commune.
Martine Lacas avec « Peintres femmes », pour la période 1780-1830, montre une fois encore que les femmes, de leur vivant, sont reconnues, fêtées. Que les ateliers de femmes, leurs écoles, sont des lieux de rencontre de toute la société. Les hommes comme les femmes veulent y être conviés. Un critique dira que la fin du 18e est celui des femmes. Les débuts du 19e verront une sorte de régressions. Les femmes seront louées pour leur tempérament d’hommes, « peindre comme un homme » semble être le compliment extrême.
Les peintres femmes restent présentes. Leur travail, comme l’autrice l’indique dans un dernier chapitre consacré à « Sarazin de Belmont et le voyage en Italie », aura une influence sur la génération suivante de peintres romantiques, masculins. La reproduction, cette collection permet de se faire une idée de la force des tableaux – l’exposition prévue au Grand Palais n’aura peut-être pas lieue – et de ce tableau en particulier. La conclusion de Martine Lacas est un appel à la mémoire quand elle note que l’œuvre des peintres femmes à été oubliée.
Ce travail de mémoire, de réappropriation est en cours, devra se poursuivre et ce petit livre y contribue.
N.B.
« Peintres femmes, 1780-1830 », Martine Lacas, Découvertes Gallimard/Rmn – Grand Palais