Procès d’une génération. Erri De Luca livre une vérité

Témoignage

Un juge fait peser des soupçons d’assassinat sur un justiciable en face de lui. Ce dernier connaissait la victime qui avait « donné » ses anciens camarades en lutte continue contre le gouvernement et les capitalistes dans ces années 1970 de feux et de pistes rouges. « Impossible » affirme en titre Erri De Luca en alignant les faits pour faire douter son questionneur. Il dresse surtout son portrait et celui de sa génération oubli »e, engloutie dans la chute du Mur de Berlin. Un texte serré, une écriture acérée pour faire comprendre les analyses tout autant que la fraternité qui unissaient les militant.e.s de ces temps d’avant la montée de l’individualisme. Une sorte d’autobiographie qui va jusqu’au goût pour la montagne tout en voulant combattre la rupture générationnelle.
Coupable ? De quoi ? D’une vengeance politique ? D’une amitié trahie ? Faut-il se séparer de son double passé pour entrer dans le présent ? Ou faire preuve de ce travail de mémoire nécessaire pour vivre et donner aux générations d’après la possibilité de comprendre le contexte d’alors, de ces années curieuses où la lutte ouverte semblait la seule perspective possible ? Sans oublier la répression d’alors, sanglante, rouge.
Un livre construit comme une tragédie qui fait rire de temps en temps devant lres incompréhensions réciproques des deux protagonistes. Il ne fait d’un rien pour que ce récit devienne pièce de théâtre. Erri parle à la fois d’hier et d’aujourd’hui même s’il fait profession de ne pas aimer le polar, quelque chose de cet art du roman spécifique passe dans le style, dans la manière de mettre en scène un crime supposé. Chacun.e jugera.
« Impossible », Erri De Luca, traduit par Danièle Valin, Gallimard/Du monde entier, 172 p.