Comment vivre au temps de la pandémie
Continuer encore et encore, résister, en mettant en place les mesures sanitaires nécessaires, c’est le lot de toutes les rencontres qu’elles soient grandes ou petites. Pour les festivals de jazz, la difficulté vient de la musique. Elle fait osciller les corps, fait danser, taper des pieds et des mains, suscite la fraternité et la sororité devenues contradictoires avec la solidarité. Il faut quand même tenir.
Deux festivals, l’un au « fil de l’Oise », l’autre à Nevers fêtent respectivement leur 25e et 34e édition pour une programmation qui fait la part belle aux groupes francophones. Pandémie oblige, les anglo-saxons, par la grâce de Trump et de Johnson, ne peuvent guère sortir de chez eux.
Le virus permet ainsi de découvrir plus que d’habitude, les musicien.e.s présent.e.s sur les territoires de la francophonie. Aretha Franklin sera quand même visible à Nevers via le film « Amazing Grace », le 5 novembre pour la préouverture.
Le 8 octobre, à Cergy, Claude Tchamitchian , contrebasse, ouvrira les hostilités pacifiques avec son « Poetic Power Trio » -Christophe Monniot, saxophones et Eric Echampard, batteur – pour partir ensuite en croisière en ce mois de novembre. Le 6 pour un duo violoncelle/piano, Anja Lechner/François Couturier suivi de près par ceux formés de Eric Seva/Daniel Mille et de Laura Perrudin:Louis Winsberg. Il faudra suivre l’itinéraire avec attention, suivre l’Oise réserve bien des surprises. Le tango par exemple. Des valeurs sures : le pianiste Paul Lay, le saxophoniste Guillaume Perret, la flûtiste Naïssam Jalal, Émile Parisien et quelques autres pour profiter des découvertes pour trouver une musique à son pied.
Pour donner un peu d’espoir, le fil de l’Oise annonce la fin de sa 25e édition le… 10 avril 2021 avec Jan Garbarek qui retrouvera son vieil ami Trilok Gurtu pour aussi un nouvel hommage à Manfred Eicher, le créateur du label ECM. Si le virus veut encore faire des siennes, il restera les enregistrements des deux compères pour se faire son festival, chez soi.
Le « D’jazz Nevers »prévoit de poursuivre les activités éducatives avec les concerts scolaires et même des stages de jazz pour montrer que la possibilité de faire existe bel et bien, que, face à la COVID19, la musique, la danse résistent sans pour autant abandonner les gestes barrières. Il faut savoir comment franchir les barrières, s’affranchir de ses limites, pour se dépasser.
Un film et une exposition autour de Jack London fera entrer la littérature américaine dans l’univers du jazz. Un auteur à l’esprit d’aventure qui a voulu s’outrepasser, comme le jazz lui-même. « OAKLAND », inspiré de « Martin Eden », sorte de portrait de Dorian Gray de Jack London, un spectacle de Vincent Courtois, violoncelliste – les cordes seront à l’honneur – et Pierre Baux dans lequel se retrouvera, pour le plus grand plaisir de tous, John Greaves. Manière de parfaire la rencontre avec cet auteur qui aimait raconter les histoires du monde en empiétant sur tous les genres.
Claude Tchamitchian ouvrira aussi ce festival avec le groupe « Racines » cette fois, après un « concert surprise » réservé aux donateurs. Depuis quelques années, le D’jazz Nevers a voulu faire vivre le jazz par la multitude et ne pas dépendre seulement d’une structure qu’elle soit publique ou privée.
Les grandes vedettes de cette édition seront sans conteste Joachim Kühn et ses dérives sur la musique d’Ornette Coleman – suite de son album ACT -, Hélène Labarrière en duo avec Catherine Delaunay pour un dialogue contrebasse/clarinette, les saxophonistes Géraldine Laurent (dans le Yves Rousseau septet) et Sophie Alour à la tête de son groupe, Francesco Bearzatti en « Zorro » et le trio suisse composé de Samuel Blaser (trombone) Daniel Humair (batterie) et Heiri Kaenzig (contrebasse » sous le nom de « Helveticus » évidemment. Le même Samuel Blaser retrouvera une de ses vieilles connaissances, le guitariste Marc Ducret pour « Lady M » qui se veut un opéra.
Les découvertes : le guitariste Paul Jarret pour un hommage à son arrière grand-mère, « EMMA », le violoniste Mathias Levy et son trio – Jean-Philippe Viret, contrebasse, Sébastien Giniaux, guitare, violoncelle -, le trompettiste Yoann Loustalot et les autres.
Il faudra aussi retrouver Guillaume de Chassy, pianiste et arrangeur pour une évocation de Barbara, Yves Robert, trombone en compagnie de Bruno Chevillon et Cyril Atef, le guitariste David Chevallier quartet comme Ray Lema qui viendra clore cette 34e édition avec la mantra « On entre KO, on sort OK ». A mettre comme enseigne devant tous les spectacles vivants.
Nicolas Béniès
« Jazz au fil de l’Oise », du 8 octobre au 17 décembre, www.jazzaufildeloise.fr
« D’Jazz Nevers », du 7 au 14 novembre, www.djazznevers.com