UP jazz du 11 décembre 2019

Bonjour,

Comme annoncé nous restons dans les images sonores de Blue Note de la ville de New York. Un saxophoniste alto sera une des voix de la Ville.
Jackie McLean, né à New York le 17 mai 1931 – à Harlem exactement – voulait jouer du saxophone ténor. Sa mère n’a pu lui acheter qu’un saxophone alto. Déception du gamin. Il n’aura de cesse que de faire sonner son alto comme un ténor. Sa sonorité déchire gorgée qu’elle est de « trips », de rêves, de cauchemars, de racisme au quotidien, d’une vie qui ne trouve sa place que dans le jazz en incarnant le jazz. Jackie, junky – Le Bird est malheureusement passé par là, il n’a fait que s’envoler – connaîtra les tréfonds de la société. Il sait les évoquer admirablement. Il descend lui, il ne s’envole pas. Le pied au plancher. la vitesse de New York c’est la sienne, les déréglemente de la Ville sont les siens, les échappées loin de tout le font déraper sur un sol déjà mouillé. Il commence à s’éloigner du hard bop pour ouvrir des portes nouvelles vers la révolution des structures du jazz, abordant les rives dessinées par la « Révolution d’octobre » initiée par Cecil Taylor en compagnie notamment de Archie Shepp. Son saxophone crie, gémit, rit pour se trouver sur une longueur d’onde différente qui lui permettra de faire équipe avec Ornette Coleman, le type même de l’artiste maudit. Ornette fera, un temps, partie de l’écurie Blue Note. Ornette et Jackie se servent de la tradition dans ce « New and Old Gospel » pour faire surgir la modernité, une autre manière de la servir. il fallait la dynamiter pour la rendre actuelle.
Jackie ne peut pas laisser indifférent. Il plonge – et nous fait plonger – dans les abîmes. Il organise des voyages en enfer, l’enfer quotidien d’une vie de musicien de jazz qui sait créer une forme de beauté, de lumière dans la nuit noire des profondeurs.
SE retrouve chez Art Pepper cette même capacité à faire reculer l’ombre, le noir, le gris pour parer les descentes d’une lueur à nulle autre semblable. Ces musiciens ont cette capacité.
Je vous propose donc ce voyage. Dans les soubassements de la Ville, dans ses magnifiques dépotoirs, dans ses cuisines. Le lundi de septembre, tous les ans, pour le « Labor Day », les musiciennes et musiciens de jazz – mais pas seulement – se retrouvent à Central Park pour de des jam sessions. Longtemps Jackie en a fait partie.
Jackie, avec son phrasé coupant comme la hache du bourreau, sait nous faire toucher du doigt la belle laideur des enfers.
Lorsqu’il remontera des abysses, très tard dans sa vie, il reviendra au be-bop et au hard-bop. L’aventure se perdra dans les structures de ses références. Pour lui ce sera sa manière de se sauver.

On essaiera ensuite de faire de la place aux jeunes turcs du milieu de ces années 60, Wayne Shorter et Herbie Hancock en particulier.

Nicolas Béniès