Dites-le avec des fleurs;;;musicales.
Frédéric Borey aime le trio cher au cœur de Sonny Rollins, saxophone ténor/contrebasse/batterie qui suppose une mise en commun pour un engagement de tous les instants. Cette modalité de trio a été aussi utilisée par Warne Marsh, saxophoniste un peu oublié mais pas du trio, Damien Varaillon à la contrebasse et Stéphane Adsuar à la batterie.
La proposition est explicite : le vol des papillons en escouade serrée pour butiner les fleurs du jazz qui sont autant de « fleurs du mal » pour inviter à la rêverie, pour sortir, de notre routine qui institue le gris comme seule référence. Le trio survole le monde habituel des conventions pour s’affranchir de la pesanteur, voleter autour de nos habitudes, faire semblant de les respecter pour, par l’intermédiaire d’une violente douceur, faire perdre pied, imposer la lévitation.
Pour réussir ce tour de force, il fallait bien un double album. Le premier fait de compositions personnelles du saxophoniste et du batteur pour imposer un univers spécifique, pour faire la démonstration de la capacité du trio de dialoguer, d’explorer de nouvelles pistes en acceptant les propositions des deux autres, tout à tour leader pour instruire des codes déroutants. Le deuxième reprend des « standards », des thèmes connus – ou presque – dont un « Jitterbug Waltz » comme un condensé de la mémoire du jazz, de Fats Waller à Eric Dolphy en passant par Miles Davis avec Michel Legrand, tout en dégageant une inquiétante familiarité. N’hésitez pas à faire le test en écoutant les versions précédentes pour rendre compte du travail effectué par le trio.
L’attention portée à chacun des membres du trio dégage une sorte d’empathie propice à se sortir du quotidien pour aller à la rencontre d’autre chose.
Nicolas Béniès.
« Butterflies », Frédéric Borey trio, Fresh Sound/New Talent.