Avec Monk tout est possible
Les trios piano/basse/batterie ont du mal à se faire une place tellement l’influence du trio de Keith Jarrett est difficile à éviter. L’autre versant est de « tomber » dans la musique minimaliste ou de faire sonner le piano pour faire naître des fantômes de ses entrailles et laisser l’auditeur faire sa propre musique.
Jean-Pascal Moget, pianiste et compositeur, en compagnie de Philippe Monge, contrebasse et Baptiste de Chabaneix, batterie ne renie pas la présence de Keith Jarrett dans son jeu mais la mâtine de celle de Monk – Thelonious reste le maître pour beaucoup – et d’autres pianistes des années Hard-Bop comme Wynton Kelly pour combattre cette allégeance. Ils se servent du passé pour régénérer l’art du trio et forger une voie personnelle. Commencer par une marche – « Mento’s March » – et terminer par la « Sieste » recèle, dans les titres des compositions, une incontestable ironie pour une musique qui cherche à se séparer de ses maîtres. L’entente entre les trois musiciens est un facteur de réussite de « Second souffle », titre de l’album. Le souffle bleu est, ici, incontestable. Le trio lui redonne comme une nouvelle jeunesse. Ils soufflent sur les braises pour, une nouvelle fois, faire surgir le feu. Il n’y arrive pas à chaque fois, mais lorsque Prométhée y met du sien, ce n’est pas le foie qu’ils arrachent mais le cœur.
Nicolas Béniès
« Second souffle », Jean-Pascal Moget trio, Chanteloup Musique