Jazz peut-être pour une musicienne aux influences multiples

Musicienne de notre temps.

Marjolaine Reymond fait partie d’une génération de vocalistes qui sont aussi compositeure et arrangeure qui ne connaissent pas les frontières – pour le moins étrange – qui ont marqué les mondes de la musique. Elle se sert aussi bien de sa technique vocale acquise dans le cadre de la musique contemporaine que dans celui du jazz, découvert plus tard. Elle s’inspire autant des bréviaires du Moyen-Âge, « Le Bestiaire » qui forme le livre I de cet album, que des « Métamorphoses » – livre II -, « l’Odyssée » de Homère – livre III – ou de « l’Exode » de l’Ancien Testament pour forger des images de notre monde, un monde bestial, en train de subir des métamorphoses, qui refuse toutes les odyssées – y compris celle d’« Ulysse » de James Joyce – même s’il vit au rythme des exodes successifs.
« Demeter No Access », le titre de cet album, qui se retrouve dans le Livre II – un hommage à Eurydice et aux droits des femmes -, est une référence à la crise écologique : la terre nourricière n’est plus accessible…
Toutes ces références nourrissent la musique. Marjolaine Reymond utilise les instruments électroniques comme sa voix qui sait dépasser les limites pour aller jusqu’au semblant de cri. Ses références se trouvent du côté de la musique « britannique », Norma Winstone, Kenny Wheeler – même s’il était canadien –, John Taylor.
Bruno Angelini, piano, Denis Guivarc’h, saxophone alto, Olivier Lété à la basse électrique et Christophe Lavergne savent habiter les compositions de la vocaliste. Ella a su aussi introduire un quatuor à cordes classique, avec Régis Huby comme premier violon, pour le faire dialoguer avec elle, avec le groupe pour faire surgir une musique qui veut se sortir de toutes les ornières pour à la fois se surprendre et surprendre l’auditeur.
Difficile, avec une telle carte de visite, de trouver un label. L a donc fallu que Marjolaine crée le sien, Kapitaine Phœnix, sans doute pour qu’elle puisse, cette musique renaître des cendres qui tendent à ensevelir notre quotidien.
A écouter pour s’interroger aussi sur les formes de la création contemporaine qui s’éloigne des standards du passé. Une expérience nécessaire.
Nicolas Béniès.
« Demeter No Access », Marjolaine Reymond, Kapitaine Phœnix/Cristal Records distribué par Sony Music.