La préhistoire du jazz.
L’Histoire commencerait avec l’écriture, dit-on. Il est donc des peuples sans Histoire, des peuples cachés, heureux. Les ethnologues combattent cette idée en insistant sur l’oralité.
Curieusement, le jazz ne sait pas quoi répondre concernant son histoire qui s’inscrit dans l’Histoire. il ne se refuse ni à l’écrit, la partition, ni à l’oralité qui forge le propre de son originalité. Mémoire orale, il s’apprend par l’écoute. Répétons que c’est la raison pour laquelle l’enregistrement est essentiel.
La préhistoire du jazz se situe avant l’arrivée du 78 tours qui change fondamentalement les moyens de transmission. Avant 1914, pour situer l’entrée dans le 20e siècle, le cylindre inventé par Edison est la technologie utilisée. Il n’est pas fiable pour la musique. Il change la tonalité et même la vitesse d’exécution qui explique la difficulté de savoir si swing il y a ou pas. L’autre technique utilisée est celle des « piano rolls », les rouleaux de piano pour les pianos pneumatiques ou mécaniques. Ils allaient de pair souvent avec la vente de la partition, seul marché existant dans ces années. Partitions qui se vendront encore, en France, après la deuxième guerre mondiale. Charles Trenet, dans « La romance de Paris », chante le thème pour vendre la partition. Des rouleaux perforés retrouvés ont été réédités en CD et trouvent ainsi une nouvelle jeunesse.
Préhistoire du jazz donc dans les moyens de connaissance technique et technologique.
Pour les pianistes de ragtime, je vous ai déjà parlé de Scott Joplin. Dans l’ouvragez de référence de Rudy Blesh et Harriet Janis « They All Played Ragtime » (première publication en 1950), est fait état de trois « top players » : Scott Joplin bien sur, James Scott et Joseph F. Lamb.
Deux rags par James Scott :
« Kansas City Rag » de 1907
« Ophelia Rag », de 1910
La netteté du son est remarquable par rapport aux craquements du 78 tours. La numérisation permet de corriger les défauts du rouleau sans être assuré du son d’origine.
Nous parlerons de Joseph F. Lamb une autre fois si l’occasion nous en est donnée.
Le jazz via son « originator » – comme il l’écrivait sur ses cartes de visite, Jelly Roll Morton, ouvrira de nouvelles autoroutes sans oublier les ragtimes. Jelly Roll Morton, Ferdinand La Motte pour l’état civil, est l’un des plus grands compositeurs de jazz. Il savait ce qu’il voulait comme rendu de sa musique et écrivait, déjà, pour les musicien-ne-s qu’il engageait. Creole de la Nouvelle-Orléans, il avait reçu une éducation musicale. « The Pearls » enregistrée en 1923 – année phare pour les race series qui prennent leur essor – est un chef d’oeuvre. Où classer Jelly Roll ? On ne sait pas. Un non-classement qui oblige à l’effacer de la mémoire malgré une comédie musicale montée à Broadway – qui a eu du succès – sur sa vie intitulée « Jelly’s last jam », et il n’est pas seulement question de confiture.Nous garderons l’écoute de « The Pearls » pour le livre et je vous propose
Un piano solo, « King Porter Stomp » en hommage dira Jelly Roll à un pianiste nommé Porter – mais il affabule peut-être, c’est un grand conteur que ce compositeur – qui deviendra sous la plus de Don Redman et de Fletcher Henderson – pour Benny Goodman en 1935 – un tube de la Swing Era.
Et un thème en trio, « Shreveport » de juin 1928 avec Omer Simeon à la clarinette et Tommy Benford à la batterie :
Souhaitons que « Le souffle de la révolte » ne se transforme pas en Godot…
Nicolas.