« Ne renversez pas l’Erroll »
Cette citation de Boris Vian pour dire la place essentielle d’Erroll Garner. Cet autodidacte, un fait rare dans les mondes du jazz contrairement à une idée répandue, a été incapable de jouer deux fois la même chose au grand dam des animateurs de télé qui veulent assurer le temps. Erroll Garner parfois surnommé en France « pianiste de bar » est un des grands créateurs du jazz. Le décalage rythmique entre sa main gauche et sa main droite est une de ses grandes caractéristiques. On a oublié qu’il est le compositeur de ce tube, chanté notamment par Sarah Vaughan, « Misty ». Clint Eastwood avait réalisé un film autour de ce thème, « Play Misty For Me » – « Frissons dans la nuit » en français titre qui évitait toute référence à l’œuvre de l’Erroll.
Pour dire que Pierre Christophe, pianiste lui-même, et son quartet – Raphaël Dever à la basse, Stan Laferrière à la batterie et Laurent Bataille aux congas – ont eu raison de rendre cet hommage vivant à Erroll Garner.
« Tribute to Erroll Garner » a été réalisé en public, « Live » comme écrit en couleurs sur la pochette. Pochette qui voit l’Erroll assis sur des bottins – la réalité, Sa petite taille l’obligeait à cet exercice -, bottins représentants une grande partie de l’histoire du piano jazz dont la mémoire est présente chez Erroll comme chez Pierre Christophe. Regardez les noms, faites des recherches, allez les écouter et les découvertes seront nombreuses. Logiquement l’écoute du quartet devrait vous inciter à aller entendre. Dans « 7-11 Jump », une composition de Erroll, quelques-uns de ces pianistes sont sollicités dans l’introduction en piano solo.
Pierre Christophe évoque quelquefois tellement l’Erroll que ce dernier donne l’impression d’être vivant. Sa version de Misty évoque les mannes de Garner et permet à Pierre Christophe de se dévoiler.
L’adjonction des congas renforce l’impression de reconnaissance. Il faut pourtant écouter attentivement cet album pour se rendre compte que les 4 hommes savent éviter de se perdre dans l’océan garnérien tout en donnant envie d’aller écouter le maître.
Soyez de ce voyage, vous ne le regretterez pas.
Nicolas Béniès
« Live, Tribute to Erroll Garner », Pierre Christophe quartet, Camille Productions/Socadisc.