Le rock américain débarque… à l’Olympia forcément.
Octobre 1958. La guerre d’Algérie provoque des traumatismes durables dans une grande partie de cette jeunesse partie combattre pour conserver une colonie sous la direction de généraux et de colonels qui ont perdu le sens de l’honneur. Le Général de Gaulle arrive comme le Sauveur. Il est présenté ainsi par le Président René Coty qui ne nomme, après un coup d’État – au moins un ! – Président du Conseil. Début octobre, un référendum constitutionnel permet l’avènement de la Ve République. La guerre se poursuit et le Général dira, en une formule ambiguë : « Je vous ai compris ». Il n’avait pourtant pas compris les aspirations d’une jeunesse en train de trouver un langage commun, une musique générationnelle de tous ces ados, ces « teens » comme on disait de l’autre côté de l’Atlantique, le « rock and roll » déjà bien installé aux Etats-Unis avec Elvis Presley, Gene Vincent et beaucoup d’autres.
En France cette musique était dénigrée par les amateurs de jazz dont Boris Vian et Henri Salvador qui avaient fait des tubes de rock « comiques » à leur grand étonnement.
Les 14 et 15 octobre 1958 arrive Bill Haley. Tout le monde connaît son tube « Rock Around the Clock » qui sert de musique de générique du film « Blackboard Jungle » (Graine de violence) – Glenn Ford y joue un enseignant en lutte avec ses élèves dans un quartier défavorisé.
Le Messie n’était pas aussi attendu que Bill Haley. Malgré une légère déception due à l’apparence du personnage, un ancien chanteur de « Country and Western » à l’accroche cœur étrange, le public sera complètement électrifié par les « Comets », le groupe qui mêle musiciens de jazz, de country et de rockabilly. Le répertoire est issu de thèmes de jazz, du blues et du reste, le tout pris sur un deux temps d’enfer. Malgré les injonctions du présentateur, les jeunes gens et jeunes filles ont du mal à rester assis et à ne pas casser les fauteuils comme ce sera la mode un petit plus tard. Cette mode qui avait commencé en 1955 lors d’un concert gratuit de Sidney Bechet qui avait tourné à l’émeute.
Ces concerts de Bill Haley sont à la fois un témoignage d’une époque troublée et d’une présence grandissante des ados, un phénomène social de première importance alors sous estimé mais aussi de ces premiers pas enthousiasmants du rock qui arrivent encore aujourd’hui à sentir encore la poudre.
« Bill Haley and his Comets, 14-15 octobre 1958 », Live in Paris/Frémeaux et associés.