« L’affaire Petiot » revue et corrigée.
Jean-Pierre de Lucovich poursuit son investigation du Paris de la guerre. « Satan habite au 21 » fait clairement référence aux crimes de Marcel Petiot. Le 21 de la rue Lesueur était un petit château aménagé par Petiot pour se débarrasser de ses victimes, attirés là par la perspective d’un voyage vers l’Argentine pour fuir les nazis et la milice. Petiot, un as du déguisement, a longtemps échappé – comme son trésor – à toutes les polices. Il se fera prendre en 1946, victime du péché d’orgueil, et guillotiné malgré une plaidoirie de 6 heures de Maître René Floriot – sa carrière commence -, le 25 mai 1946. Beaucoup de zones d’ombre restent. Le trésor de Petiot, sa fuite, ses identités successives… De quoi broder pour présenter des hypothèses. Qui portent même sur la mort de Petiot…
Le 21 fait aussi référence à Clouzot, au cinéma. Passent ici les films de Prévert et Carné, « Les enfants du Paradis » qui met en scène une Arletty mystérieuse et lumineuse, légère volant au-dessus de tous ces hommes capables seulement du pire. L’autre oiseau, Jean-Louis Barrault, est enfermé dans son mutisme volontaire qui le fait trop parler. Et Brasseur est Brasseur. Tout ce petit monde se retrouve dans les e droits interlopes pour boire, dans le cas de Brasseur capable de toutes les bagarres et de tous les bons mots.
Jean-Pierre de Lucovich met son détective privé, Jérôme Dracéna, sur la piste. Il en fait un résistant, poursuivi par une grande partie de la pègre et des nervis de la rue Lauriston. Le trésor est retrouvé et sert à payer la Résistance et Petiot est tué par une comtesse russe… Mais là n’est pas l’essentiel. L’essentiel c’est le Paris de 1944, le Paris du marché noir, le Paris des noctambules, des bars, des night club, de la pègre mais aussi des acteurs, Arletty bien sur tout autant que Pierre Brasseur.
L’auteur nous ballade évitant les enthousiasmes attendus comme celui de la Libération. Habilement, il blesse Jérôme pour le mettre au lit pendant ces événements qui voient le soulèvement du peuple de Paris et des ralliés de la 25e heure déguisés en FFI. La Libération fête folle ne fait visiblement pas partie de son Paris. Les gens qui dansent, envahissent les rues très peu pour lui. Il faut dire que c’est difficile à décrire, à faire ressentir. Juste une mention de Glenn Miller en passant.
L’intrigue est un fil conducteur pour visiter aussi les vengeances mesquines comme de raser les cheveux des femmes qui ont, prétendait-on, collaborées. Des détails qui permettent de voir ce Paris pas très connu. Sans coups de colère…qui manquent au paysage. Un paysage presque photographique, un choc des photos accompagné du poids des mots soit un style plutôt de reportage… qui marche et nous fait marcher. Ou pédaler…
Nicolas Béniès.
« Satan habite au 21 », Jean-Pierre de Lucovich, Grands détectives, 10/18.