La Nouvelle-Orléans après Katrina.
Le titre de ce premier roman d’une prof de littérature anglaise à l’Université du Nebraska, « Après le déluge » ne laisse planer aucun doute sur le lieu de l’intrigue, « Crescent City », la cité du Croissant, la Nouvelle-Orléans quasi détruite par l’ouragan Katrina.
Autre indice, pour en rester à la couverture. Le nom de famille de l’auteure, Castro, ! Un nom célèbre sur la petite île de Cuba qui fait, en ce moment, l’actualité. Il n’est donc pas étonnant que son héroïne, Nola Cespedes, ait une mère qui vient de l’île interdite – elle l’est toujours aux touristes étasuniens malgré les déclarations d’Obama – qui parle espagnol plus que l’anglais et va à la messe tous les dimanches.
Joy Castro est visiblement tombée amoureuse de cette Ville, de son port, de ses rues, de ses bars, de ses musiques. Comme toute amoureuse, elle est intarissable. Elle la raconte en long, en large et en travers – au sens propre -, tellement qu’elle donne l’impression, parfois, d’écrire un guide touristique type le « routard », y compris les anecdotes, les légendes, les différentes hypothèses concernant les proverbes, les noms de place, de rues, sans oublier les romans… Elle ignore superbement le jazz, les musiciens et les musiciennes. Dommage. Certains critiques ont pourtant fait, à tord, de « Big Easy » – un autre de se surnoms et le titre d’un film bizarre bien dans l’esprit de la Cité – l’unique berceau du jazz.
Joy Castro présente longuement son héroïne dans son apparence, dans ses actions. Elle a voulu dissimuler l’essentiel, l’objet des cauchemars de Nola. C’est cousu de fil blanc. Le nœud de l’intrigue se devine aisément qui fait tomber la surprise du coup de théâtre final. Un procédé de débutant(e). Le suspens prend plus de consistance lorsque le lecteur sait, connaît les ressorts cachés. Lorsque se produit une situation dramatique, son empathie avec le personnage le conduit directement à l’émotion.
Les influences sont visibles. Sa Nouvelle-Orléans ressemble à celle de Clint Eastwood et un peu à celle de James Lee Burke, auteur plus dur, plus violent, plus en phase avec cette Louisiane qui a conservé des racistes d’un autre temps, celui du Ku-Klux-Klan..
L’intrigue est directement liée aux conséquences de Katrina. Les prisons se sont vidées après 2005 et les délinquants sexuels, notamment, sont en liberté. Nola, pas bien dans sa peau qui a du mal à s’accepter, boit et a des relations sexuelles d’un moment, refuse cette enquête dans un premier temps. On se doute que le déluge du titre ne fait pas seulement référence à Katrina…
Sa quête la fera traverser tous les quartiers de cette Nouvelle-Orléans très secouée. Sauf, bien sur, les quartiers riches qui n’ont pas été détruits.
L’angoisse du film de Eastwood, de James Lee Burke est ici comme gommée. Elle se fait sentir mais pas ressentir. La pudeur ou la décence – ce n’est pas la même chose – interdit, peut-être, à l’auteure d’aller jusqu’au bout de l’enfer, jusqu’au bout de la nuit.
Une nuit noire pourtant, celle des enfants violés, maltraités par des pédophiles qui n’ont aucun regret, aucun remord, inconscient des blessures mortelles qu’ils ont causées.
Un sujet un peu trop à la mode ces derniers temps…
Mais la Ville, son port, ses maisons, son ouragan, ses vices, ses beautés reste capable de vous tenir en haleine.
Un premier roman prometteur si l’auteure sait ne pas s’éparpiller et refuser de tout dire pour devenir un peu monomaniaque.
Nicolas Béniès.
« Après le déluge », Joy Castro, traduit par Isabelle Maillet, Série Noire/Gallimard.