Le temps du libéralisme s’estompe, l’austérité reste

Novembre en mai, l’automne des politiques d’austérité ?

Le climat changerait dans l’Union Européenne ?

L’Union Européenne se trouve à la croisée des chemins. Ce cliché prend une réalité inédite dans le contexte actuel. Les politiques d’austérité font la démonstration, dans tous les pays de la zone, de leur inefficacité pour lutter contre les déficits publics et l’endettement. Elles démontrent, dans le même mouvement, leurs responsabilités dans la profondeur de la récession. Chypre en est le dernier exemple. Pour éviter la faillite des banques, la troïka – la commission européenne, la BCE et le FMI – ont exigé du gouvernement de droite nouvellement élu une politique d’austérité drastique dont le résultat attendu sera une profonde récession dés cette année 2013, de plus de 10% suivant certains estimations. Avec son cortège habituel de croissance des inégalités, de pauvreté…

La Commission Européenne, farouche gardienne de l’équilibre budgétaire, a donné au gouvernement français un délai supplémentaire pour arriver aux 3% de déficits publics par rapport au PIB – indicateur de la création de richesses – promis par François Hollande dés cette année. Angela Merkel a mis un peu de vin dans son eau austère pour permettre aux pays de l’UE de respirer sous une tente à oxygène. Le gouvernement grec a obtenu des délais pour réaliser son programme de baisse des dépenses publiques.

La troïka est en train d’éclater. Le FMI se demande quelle place peut avoir la BCE dans le dispositif global d’aides aux pays et la Commission Européenne met en cause le sectarisme du FMI qui prête aux pays de la zone euro plus qu’il n’a jamais prêté aux pays émergents ou du tiers- monde, et le FMI accuse les deux autres de faire de la surenchère dans la rigueur. Olivier Blanchard, l’économiste en chef du FMI, a même reconnu des erreurs de calcul dans les conséquences négatives d’une politique d’austérité…

Le contexte actuel explique ce changement climatique. La récession sévit dans tous les pays européens, ceux de la zone euro surtout, résultat à la fois des conséquences de la crise et des politiques pro-cycliques suivies par tous les gouvernements. Les répercussions sur l’économie allemande sont déjà visible. Elle dépend, pour ses exportations, des autres pays de la zone. L’intégration commerciale – on l’oublie trop souvent – est une réalité. L’Allemagne connaîtra logiquement, à son tour la « croissance négative » – pour parler comme la future mise en examen Christine Lagarde. La baisse de la masse salariale des travailleurs allemands est toujours une réalité malgré la victoire de l’IG Metall qui a réussi à imposer une hausse de 4% des salaires directs au patronat de la métallurgie.

Même si mai se donne des airs de novembre et le printemps des allures d’automne, il ne s’agit que du ressenti. Les politiques d’austérité se poursuivent pour l’essentiel. Le seul changement véritable tient dans la compréhension des effets des politiques d’austérité. Tout le monde sait que le chômage ne peut qu’augmenter comme les défaillances d’entreprises – les dernières statistiques publiées l’indiquent pour la France –, la récession s’approfondir et se transformer en dépression. L’économie française a connu cinq trimestres successifs de croissance zéro et deux trimestres de baisse de la croissance, définition légale de la récession.

Pour le moment, les marchés financiers échappent – échappaient ? la Bourse de Tokyo a baissé brutalement mercredi 22 mai 2013, signe avant-coureur d’une baisse généralisée ? – à la morosité ambiante. Le risque d’une réplique de la crise financière est tellement prégnant que la BCE vient de faire savoir qu’elle était prête à baisser ses taux une nouvelle fois – elle est passée récemment de 1 à 0,5% – pour arriver à des taux négatifs. Les grandes banques de la zone euro pourraient faire massivement faillite.

La crise climatique européenne montre l’impossibilité physique de poursuivre dans la voie stricte de la politique de baisse des dépenses publiques. Il semble que l’orientation qui se dessine serait de s’attaquer prioritairement au coûts du travail en baissant drastiquement le salaire indirect, redistribué et les dépenses sociales quitte à laisser filer les dépenses propres des États.

Dans le même temps, ce changement de climat révèle la perte de légitimité de l’idéologie libérale et l’absence d’idéologie nouvelle permettant de justifier de politiques économiques tournant le dos à l’austérité. Le capitalisme libéral est mort vivant et refuse de laisser la place…

Nicolas Béniès, le 23 mai 2013.

Article publié dans Trait d’union