Chômage de masse, pauvreté et accroissement des inégalités
Depuis la fin des années 1980, une nouvelle réalité a éclaté, la pauvreté prenait de l’ampleur. On parlera de « nouvelle pauvreté ». Michel Rocard, Premier ministre en 1989, créera le RMI qui donnera naissance à de nouvelles études. Le chômage de masse en était la première cause. Les statistiques allaient enregistrer des nouveautés comme le chômage de longue durée se traduisant par la précarité sociale, la descente vers la mise au ban de la société. Les organisations caritatives ne pouvaient connaître qu’un accroissement de leurs missions dans un contexte où les dépenses sociales subissaient une cure d’austérité.
Sous les coups de butoir de ces politiques d’inspiration libérale s’attaquant à toutes les solidarités collectives, à tous les acquis sociaux, les éclatements sociaux sont à l’œuvre, et la pauvreté est la pointe visible de l’iceberg des inégalités. Dans la crise systémique actuelle, qui débute en août 2007, la pauvreté s’est élargie et approfondie, plus de pauvres et de plus en plus pauvres. Dans le même temps, les plus riches se sont plus encore enrichis. Le rapport entre les plus « aisés » (le dernier décile, selon l’INSEE, soit les 10% les plus riches) et les personnes « les plus modestes » (le premier décile) est de 3,5. Un écart incommensurable ! La pauvreté, qui avait reculé jusqu’en 2002, est repartie à la hausse, 8,6 millions de personnes vivaient en 2010 sous le seuil de pauvreté fixé à 964 euros par mois (60% du niveau de vie médian), soit 14,1% de la population totale contre 13,5% en 2009. Les années 2011 et 2012 ont vu, selon toute vraisemblance et en fonction de la hausse du chômage, ce nombre augmenter. Le « visage » de la pauvreté, expression d’un ensemble d’inégalités, est trop souvent celui d’une femme, chef d’une famille monoparentale. Le phénomène affecte particulièrement les enfants : le taux de pauvreté des moins de 18 ans atteint 19,6 %, en hausse de 1,9 point. La progression s’explique notamment par la non-reconduction des mesures d’aides ponctuelles, mises en œuvre en 2009 afin de limiter les effets de la crise sur les ménages modestes, et le gel du barème des prestations familiales en 2010.
Une paupérisation en lien avec la crise
La crise systémique débute par un krach financier qui part de Wall Street pour s’étendre au monde entier. La chute a été vertigineuse. La faillite de Lehman Brothers, grande banque américaine, le 15 septembre 2008 en a résulté. La faillite généralisée a été évitée par l’intervention des banques centrales et des Etats-Nations. Mais pas la récession qui secoue le monde à partir de cette année 2008, la plus profonde pour les pays riches depuis celle de 1929.L’économie française a moins souffert que les autres grâce à son système de protectionsociale qui a permis de conserver un des moteurs de la croissance, la consommation des ménages.
La réponse patronale et gouvernementale est toujours la même. La baisse du coût du travail est la seule variable d’ajustement. Les plans sociaux – y compris dans les banques – succèdent aux plans sociaux, les attaques contre le droit du travail, de la sécurité sociale pour écraser les droits collectifs des salariés pour augmenter le profit conduisent à la fois à la hausse du chômage qui touche les jeunes et les seniors, à la baisse des prestations sociales et à la pauvreté.
La pauvreté n’est plus ce qu’elle était…
Jusqu’aux années 1980, la pauvreté touchait surtout les personnes âgées, les femmes particulièrement qui n’avait, pour tout pécule, que la pension de reversion de leur conjoint. Une misère. Depuis, l’accroissement sans frein du chômage de masse alliée à la déstructuration progressive des droits du travail et de la sécurité sociale ont élargi considérablement le nombre de pauvres. La première cause reste la perte d’emploi. Le chômage touche désormais 3 057 900 personnes (chiffres de septembre 2012), pour la catégorie A de Pôle emploi, soit 9,7% de la population active, 10% pour les femmes et 22,7% pour les moins de 25 ans. Les allocations chômage revues à la baisse continûment sont un facteur aggravant de l’entrée dans la pauvreté de catégories de plus en plus importantes de la population. Elle touche les chômeurs dits de longue durée, de plus d’un an qui, vraisemblablement, auront des difficultés à retrouver un emploi, de 1,9 million de personnes. Mais, et ce sera la grande nouveauté statistique en France, des années 1990, la personne peut avoir un emploi et se trouver sous le seuil de pauvreté monétaire. Le temps partiel éclaté – surtout des femmes -, le chômage récurrent – emploi puis chômage -, les « contrats de mission », l’intérim et la précarité sous toutes ses formes expliquent cette catégorie des « travailleurs pauvres », 1,9 million recensés en 2009, dernier chiffre connu. Surtout des jeunes et des femmes. Souvent ces salarié(e)s sont surendettés et les problèmes deviennent insolubles. Le marché du travail exclut à la fois les jeunes qui y entrent de plus en plus tard, vers 27-29 ans et les « seniors » de plus de 54 ans qui ne peuvent retrouver un emploi. L’allongement de l’âge de la retraite conduit à un élargissement de la pauvreté.
La crise accentue la pauvreté et les inégalités.
La crise systémique, dont la date d’entrée est le 9 août 2007 commence par le krach financier qui secoue les places financières des pays développés, à commencer par Wall Street. La chute est vertigineuse. Cette crise financière se traduira par la faillite de Lehman Brothers, grande banque américaine, le 15 septembre 2008. Sans l’intervention des banques centrales et des États-Nations, la faillite généralisée était possible, les opérateurs financiers entraînant dans leur sillage les grands groupes industriels. Le cas des firmes étatsuniennes d’automobile démontrait la violence de ce tsunami. Sais l’aide de l’Etat américain, en 2008 – Obama venait d’être élu -, elles auraient toutes fait faillite, y compris General Motors. La récession qui secoue le monde à partir de cette année 2008 est la plus profonde que les pays riches ait vécu depuis la crise de 1929. Sa profondeur est de trois fois supérieure à celle des années 1930. L’économie française a moins souffert que les autres grâce à son système de protection sociale qui a permis de conserver un des moteurs de la croissance, la consommation des ménages.
Les banques se sont trouvées en première ligne. Elles étaient – elles le sont toujours – les grandes pourvoyeuses d’innovations financières qu’elles ont cautionnées. Le krach s’est traduit par l’inscription dans leur compte de pertes énormes provenant de la chute des titres. Avec l’aide des États-Nations qui leur a fourni des liquidités pour qu’elles continuent dans la même voie suicidaire, elles ont répondu comme l’industrie par la diminution du coût du travail. Elles se sont restructurées pour supprimer des emplois participant à l’augmentation du chômage. Les seniors ont été les premiers visés, remplacés par des jeunes dont les salaires ont été revus à la baisse. L’impact sur le chômage allait se faire durement ressentir dans un contexte où les plans sociaux succèdent aux plans sociaux. Le chômage de masse permanent depuis les années 1970, est le facteur principal de l’augmentation de la pauvreté. La grande régression sociale a accéléré son rythme.
Sous les coups de butoir des politiques d’inspiration libérale s’attaquant à toutes les solidarités collectives, à tous les acquis sociaux, les éclatements sociaux sont à l’œuvre. La pauvreté est la pointe visible de l’iceberg des inégalités. Les plus riches se sont plus encore enrichis, l’écart entre les plus « aisés » (le dernier décile, soit les 10% les plus riches) – pour parler comme l’INSEE – et les personnes « les plus modestes » (soit le premier décile) est de 3,5 fois. Un écart incommensurable. La pauvreté est en augmentation, 8,6 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, soit 964 euros par mois (60% du niveau de vie médian) soit 14,1% de la population totale en 2010 – dernier chiffre disponible – contre 13,5% en 2009. Les années 2011 et 2012 ont vu, selon toute vraisemblance et en fonction de la hausse du chômage, une augmentation du nombre de pauvres. Le portrait de la pauvreté, expression d’un ensemble d’inégalités, est une femme, chef d’une famille monoparentale..
Nicolas BENIES.
Définitions (de l’INSEE)
Indice de Gini : indice mesurant le degré d’inégalité d’une distribution (ici, celle du niveau de vie) pour une population donnée. Il varie entre 0 et 1, la valeur 0 correspondant à l’égalité parfaite (tout le monde a le même niveau de vie), la valeur 1 à l’inégalité extrême (une personne a tout le revenu, les autres n’ont rien).
Ménage : ensemble des occupants d’un même logement sans que ces personnes soient nécessairement unies par des liens de parenté (en cas de cohabitation par exemple). Un ménage peut être composé d’une seule personne. Ne font pas partie des ménages les personnes vivant dans des habitations mobiles ou dans des communautés.
Niveau de vie : revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation. Les unités de consommation (UC) sont calculées selon l’échelle d’équivalence dite de l’OCDE modifiée, qui attribue 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans. Le niveau de vie est donc le même pour toutes les personnes d’un même ménage. Le niveau de vie médian, qui partage la population en deux, est tel que la moitié des personnes disposent d’un niveau de vie inférieur, l’autre moitié d’un niveau de vie supérieur.
Revenu disponible : somme des revenus des membres du ménage, après redistribution, c’est-à-dire après prise en compte des principales prestations sociales et paiement des principaux impôts directs. Il comprend les revenus déclarés à l’administration fiscale (revenus d’activités, retraites et pensions, indemnités de chômage et certains revenus du patrimoine), les revenus financiers non déclarés, qui sont ici imputés (produits d’assurance-vie, livrets exonérés, PEA, PEP, CEL, PEL), les prestations sociales perçues et la prime pour l’emploi. Tous ces revenus sont nets des impôts directs (impôt sur le revenu, taxe d’habitation, contribution sociale généralisée, contribution à la réduction de la dette sociale, prélèvement libératoire sur valeurs mobilières et autres prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine). Ce revenu disponible est ainsi proche du concept de revenu disponible brut au sens de la comptabilité nationale mais son champ est moins étendu.
Pauvreté monétaire : une personne est considérée comme pauvre lorsque son niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. Ce seuil est calculé par rapport à la médiane de la distribution nationale des niveaux de vie. C’est le seuil à 60 % du niveau de vie médian qui est privilégié en Europe. Le taux de pauvreté correspond à la proportion de personnes dont le niveau de vie est inférieur à ce seuil, soit 964 euros par mois en France en 2010. La pauvreté continue de progresser. Elle concerne 8,6 millions de personnes, soit 14,1 % de la population contre 13,5 % en 2009.
Cette progression affecte davantage les enfants : le taux de pauvreté des moins de 18 ans atteint 19,6 %, en hausse de 1,9 point. La non-reconduction de mesures d’aides ponctuelles, mises en œuvre en 2009 afin de limiter les effets de la crise sur les ménages modestes, et le gel du barème des prestations familiales en 2010.