Un amour fou…sans passion !
Le début fait penser à un autre polar qui mêle le fantastique. Un homme se retrouve empoisonné et il a quelques heures pour trouver l’antidote… Ici, Will Christophe Baer dans « Embrasse-moi, Judas », part d’un homme retrouvé dans une baignoire baignant dans son sens et à qui on a enlevé un rein… Le trafic d’organes est à la mode. Mais ce n’est pas cette voie que suivra l’auteur. Phineas Poe – avec un nom pareil, le voyage était inscrit en 80 jours comme la référence au créateur du roman policier, Edgar Allan Poe – est un ancien flic. Là encore, des pistes s’ouvraient. De quoi les mêler pour dérouter le lecteur en construisant une sorte de labyrinthe autour de tous les thèmes du polar. Au lieu de cet enchevêtrement, une construction lisse autour d’un amour fou de quelqu’un qui ne l’est pas moins… L’autre protagoniste lui rendant quelques points. On s’ennuie dans un roman qui ne tient pas les promesses d’un début superbe.
Nicolas BENIES.
« Embrasse-moi, Judas », Will Christopher Baer, Folio/Policier.
Recherche en paternité.
Questions éternelles : qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Pourquoi sommes-nous là où nous sommes ? Colin Harrison voudrait mettre du suspense, laisser le lecteur penser qu’il s’agit seulement d’un polar dans « L’heure d’avant ». Mais tout est trop cousu d’un fil d’ariane. Dés le début, on se doute que cette enquête confiée à George Young par la femme de son patron passe par la case « recherche père perdu » et qui sera retrouvé – virtuellement – à la fin. C’est, peut-être, New York qui reste le personnage le plus énigmatique. L’auteur arrive, par un certain nombre de procédés intelligents, à nous faire suivre cette recherche jusqu’au bout…
Nicolas BENIES
« Le jour d’avant », Colin Harrison, 10/18.
Une réédition nécessaire.
Chaque époque redécouvre, par le biais d’une nouvelle traduction – une nouvelle trahison, une autre manière de lire le texte original – des romanciers d’un autre âge. C’est le cas pour les polars. Une nouvelle traduction de Dashiell Hammett et c’est un nouveau plaisir. La fin de la seconde guerre mondiale avait vu la naissance de la Série Noire – un terme trouvé par Prévert, grand fournisseur de titres en tout genre – liée à la volonté de Marcel Duhamel de faire connaître cette branche de la littérature. Seulement, les traducteurs étaient tenus à un langage d’époque et à un format. La trahison était quelque fois totale. Ce fut le cas pour cet auteur à part, Fredric Brown. Il était amputé de son ironie, de sa mélancolie, de sa manière spécifique, noire, de voir le monde. Cette nouvelle traduction de « La bête de miséricorde » due à Emmanuel Pailler permet de le redécouvrir. Le traducteur – comme c’est la mode – explique ses choix dans une préface et ceux des traducteurs précédents. Une leçon.
Brown, à travers cette enquête sur un meurtre d’un jeune homme qui a survécu à l’horreur des camps, fait œuvre de philosophe. Il met en scène la faible frontière qui sépare la compassion de la barbarie, dans cette ambiance des années d’après guerre encore fortement marquées par l’horreur nazie. Il fait parler tous les protagonistes à commencer par le meurtrier. Le suspense ne réside pas dans la découverte ou non du coupable mais dans les réactions, les motivations de tous ces personnages qui vivent. Ils ne sont pas en papier gacé. A découvrir de toute urgence.
Nicolas BENIES.
« La bête de miséricorde », Fredric Brown, Point/Roman noir, Seuil.
Ce pourrait être un polar…
Jean-Paul Clébert n’aime pas les ordres établis. Résistant, vagabond, écrivain, il a visité les marginaux pour leur donner leur place. Il faut le lire. Ici, il décrit un « Paris insolite », ce paris qui sort difficilement de la deuxième guerre mondiale, ce Paris des années cinquante qui ne sait pas encore qu’il est entré dans les « 30 glorieuses » – c’est ainsi que les livres d’économie qualifient les années 1944-45/1974-75 – et vit dans des conditions similaires à celles des années 30. l’hygiène n’a pas fait irruption. Les bains douches restent le seul moyen d’être propres et c’est la sortie du samedi matin ou du dimanche matin. Il nous entraîne à la découverte des quartiers de Paris qui, en ces temps reculés, ont tous une spécificité et de ces personnages marginalisés mais savent rendre gorge à l’air du temps. Ces figures pourraient très bien figurer dans un polar… Il faut aller y voir. Ce Paris est doublement insolite. A l’époque, il sortait des images d’Epinal – ce ne pouvait donc pas être Paris -, aujourd’hui il a disparu. Personne ne s’est préoccupé de conserver des traces de cette Capitale. Sauf Clébert !
Nicolas BENIES
« Paris Insolite », Jean-Paul Clébert, Points/Récit.