Polar, quand le polar se fait Histoire, du 16e siècle à 1962, de la Provence à Marseille

Plongée dans les guerres de religion en Provence

Le prétexte de cette plongée : le trésor que Charles-Quint aurait laissé dans l’Église d’Aix, enterré sous les dalles. Pour le découvrir, il faut décrypter deux quatrains – dont un en français en forme de rébus – objet de toutes les recherches et des rivalités. Catherine de Médicis fera appel à Nostradamus pour trouver les clés de compréhension. Jean d’Aillon mettra en scène son personnage principal, Yohan de Vernègues, fil conducteur de l’enquête, qui louvoiera entre moines assassins envoyés par l’Inquisition, les croyants catholiques et reformés rivalisant de violences pour imposer leur loi et leur pouvoir au-delà même de leur religion. Richelieu, en bon centralisateur, y mettra un terme. Sans compter les intrigues internes à la Cour du Royaume de France et la cohorte de jeunes et jolies demoiselles au service de la Reine Catherine. Un mélange explosif et meurtrier.
Ballade en Provence ensanglantée, de 1562 à 1564 principalement, où les plus faibles sont la proie de tous les prédateurs sans pitié. La recherche du trésor, pied de nez culturel tourne autour d’un tableau de Raphaël, comme l’indique le titre « Nostradamus et le dragon de Raphaël », tableau qui est loin d’être un objet unique.
L’allégresse de l’écriture permet de mettre à distance l’horreur de la « guerre totale » qui ne fait pas de prisonniers et entraîne le lecteur dans le dédale des affrontements politiques. Jubilation de suivre le jeune homme, un peu manipulé par son parrain Nostradamus, dans ses aventures policières et amoureuses pour une leçon d’histoire qui se lit…comme un polar !
Nicolas Béniès
« Nostradamus et le dragon de Raphaël », Jean d’Aillon, 10/18

Intrigues policières et politiques à Marseille en 1962

« Le sang de nos ennemis » est une plongée dans l’histoire récente, la notre, celle de la fin de la guerre d’Algérie. Les affrontements sont sanglants. L’OAS multiplie les attentats, le SAC, service d’action civique, organisation créée par Foccart agit plus ou moins dans l’ombre et la pègre est en train de se transformer. Marseille deviendra le laboratoire de traitement de la drogue qui deviendra la « French Connection ». Gérard Lecas, à la fin ce morceau d’histoire, risque une hypothèse sur les créateurs de la filière.
Pour raconter l’histoire et l’Histoire, il se sert de deux inspecteurs obligés de faire équipe et qui reviennent à Marseille. Louis Anthureau est membre du Parti Communiste et fils de résistants, son père aurait pu, dû être maire s’il n’avait été assassiné, sa mère, médecin, est partie en Algérie soigner les membres de FLN. Dures racines familiales. Jacques Molinari, plus vieux, membre du SAC, fait des compromissions entre son métier et son affiliation. Son père, anar et peintre, ne lui montre aucune affection. Point de départ de l’enquête, des Algériens retrouvés morts vidés de leur sang. Derrière, les intrigues pour récupérer la drogue arrivée en grande quantité pour inaugurer les laboratoires créés par un truand notoire qui a ses entrées à l’Hôtel de Ville.
Gérard Lecas sait faire découvrir les filons de l’Histoire à travers les ancrages familiaux des deux personnages et incite à la réappropriation de la mémoire qui sait nous échapper. Un polar qui fait aussi un travail de mémoire.
Nicolas Béniès
« Le sang de nos ennemis », Gérard Lecas, Rivages/Noir