L’inflation inédite, quelques notes pour situer le pb pour un début qui suppose de poursuivre le débat.
La hausse des prix actuelle est un changement profond des habitudes des ménages comme les entreprises et bouscule la politique économique des États. Elle s’explique par les transformations du monde en cours depuis la pandémie, au moins et accélérées par la guerre.
L’ensemble des pays développés connaît un taux d’inflation jamais vu, plus de 10% aux États-Unis comme en Allemagne, 6% en France et une hyperinflation catastrophique dans les pays latino-américains et dans l continent africain qui provoquera disette et famine. Le seul grand pays qui fait exception, la Chine avec une inflation proche de zéro, conséquence de la baisse de la croissance et de la déflation, les prix baissent du fait de la surproduction et de la crise immobilière qui s’annonce profonde.
La crise climatique surenchérit le prix des matières premières. Toutes les matières premières sont devenues des objets de spéculation sur les marchés financiers accélérant la hausse des prix.
Le prix de l’énergie, le gaz en particulier fait l’objet de pénuries – réelles et organisées – qui renchérit les coûts de transport et de production se traduisant par la hausse des prix à la production.
Les ménages les plus pauvres, les plus précaires subissent de plein fouet cette baisse du pouvoir d’achat qui a comme effet d’augmenter la pauvreté malgré les « boucliers » mises en place par l’Etat en France et en Allemagne.
La priorité a changé dans la plupart des pays à commencer par les États-Unis qui reviennent au protectionnisme. Plus exactement, le gouvernement Biden a décidé d’aider les entreprises à s’installer sur le sol américain ou à orienter les investissements productifs. Beaucoup d’entreprises européennes se posent la question d’investir aux Etats-Unis pour bénéficier de ces subventions et d’un prix de l’énergie 3 à 4 fois moins élevés.
Sur la base de ce constat comment expliquer la hausse des prix ?
L’inflation des « 30 glorieuses » – jusqu’en 1985 – provenait des formes de financement de l’investissement productif par le crédit à la production qui se traduisait par la dévalorisation de la monnaie et provoquait l’augmentation du niveau général des prix. A partir de 1985, la contre révolution dite « néo libérale » – Thatcher et Reagan – a changé la donne. La lutte contre l’inflation était assumée comme la priorité dans un monde bouleversé par la privatisation de l’ensemble de la société et la hausse des taux de l’intérêt comme de la déréglementation, portes ouvertes à la financiarisation de l’économie. L’inflation a reculé souvent du fait de la déflation. La désindustrialisation a été le prix à payer de ce monde devenu hypermondialisé dans les années 2000. Alain Minc parlait même de la mondialisation heureuse.
Ce monde s’est terminé d’une part avec la crise profonde de 2007-2008 qui a fait naître une nouvelle politique monétaire de création de monnaie pour combattre la déflation. Les banques centrales ont pratiqué le Q/E, le quantitative easing avec même des taux d’intérêt négatifs.
La crise sanitaire a révélé l’hypermondialisation et ses conséquences négatives pour le bien être des populations. Les services publics vilipendés jusque là ont retrouvé leur aura et surtout leur nécessité. Le discours a changé déterminant la nécessité de la « souveraineté » passant par la ré-industrialisation
Plus encore, l’interdépendance des économies a montré d’une part la place des pays d’Asie dans la mise en place des « filiales d’atelier », en Chine surtout, par les firmes multinationales et leur dépendance. La déstructuration des chaînes de valeur a provoqué la hausse des prix, hausse qui a été démultipliée par les marchés financiers. Une image : pour fabriques un smartphone, il faut 100 filiales qui se trouvent sur 100 pays différents
Les banques centrales des pays développés qui suivent la politiquer monétaire de la FED, la banque de réserve fédérale américaine, se trompe d’analyse. Nous ne sommes plus dans les années 1980, le monde ancien est en train de mourir. Augmenter les taux de l’intérêt pour provoquer la récession et faire baisser les prix est la preuve d’une incompréhension des changements. Récession il y aura, et, sans doute une crise économique.
Devant le monde ancien qui meurt, les gouvernements flottent. Le discours ne correspond plus à la réalité de la politique, incapables qu’ils sont de dessiner un avenir. Toutes les crises, sanitaire, économique, financière, sovciale et surtout climatique et écologique devraient déterminer une planification pour orienter les investissements en réglementant la finance. Les crises sont aussi des indicateurs…
Nicolas Béniès
Ces notes sont la poursuite d’articles publiés sur ce site mais aussi d’un article publié dans la revue « Contretemps » de juillet 2022